Napoléon
5.1
Napoléon

Film de Ridley Scott (2023)

Après David Fincher avec son netflixien The Killer, ou encore Hayao Miyazaki et son Garçon et le Héron, c'est au tour de Ridley Scott de subir le feu des critiques. Comme s'il était soudainement devenu à la mode de flinguer, souvent gratuitement, des cinéastes reconnus. Histoire de démontrer que l'on pense et que l'on n'est pas un mouton, sans doute...

Des critiques d'autant plus vives que le réalisateur anglais s'attaque à l'une des figures de proue du roman national, sujet de polémiques de plus en plus insistantes de tous les côtés de l'échiquier politique, toutes aussi imbéciles les unes que les autres.

Je ne serai pas le plus crédible et impartial des membres du site dans ce billet, dans la mesure où j'adore Sir Ridley. Et, sans grande surprise, j'ai aimé.

C'est sans doute que je suis un mouton. On ne se refait pas.

Car je ne critiquerai pas les quelques arrangements avec l'Histoire, le fait que ce soit un anglais derrière la caméra, qui ne peut donc que dénigrer l'Empereur, ou encore le sempiternel et crétin "ricain pas bien" dès lors qu'il s'agit de privatiser un sujet typiquement français que nous serions seuls aptes à traiter correctement.

Car j'ai simplement voulu regarder une oeuvre cinématographique, avec tout ce que cela induit, donc, de choix, de visions artistiques et d'imaginaire, et non un documentaire ou un livre d'histoire.

Et à la sortie de la salle, je retiens pour ma part que Ridley Scott reste égal à lui-même. Le seul truc un peu frustrant, c'est qu'à l'évidence, le montage cinéma a du couper pas mal de choses très intéressantes, comme en 2005 avec Kingdom of Heaven, dont Napoléon reprend quelque peu la structure.

Mais si c'est pour avoir un même director's cut de la muerte, le prix n'est pas forcément trop lourd à payer. Car en l'état, Napoléon propose un formidable portrait de l'Empereur qui oscille entre l'intime singulier et l'échelle d'un pays, voire de l'Europe, par son personnage tour à tour exalté, froid, impétueux, fragile, brutal ou encore égaré.

Soit la mise en scène d'une figure du patrimoine commun qui contredit sa mystique purement historique, rappelant que derrière le souverain, il y avait seulement un homme avec ses contradictions, ses faiblesses, ses failles et son hubris. Un homme incarné à merveille par le toujours juste Joaquin Phoenix, laissant exploser la rage guerrière du général, ses aspirations à réaliser la destinée à laquelle il est appelé ainsi que sa passion tumultueuse entièrement réservée à Joséphine. Magnifiée par une Vanessa Kirby magnétique, embrassant le côté tragique de cette relation sacrifiée sur l'autel des intérêts supérieurs d'une nation conquérante qui se confond avec son incarnation terrestre.

Ridley Scott, avec Napoléon, semble connecter les pulsions de mort, de conquête et d'amour de son illustre personnage, comme si l'un des élans du petit corse n'allait jamais sans pousser les autres. Une vision de l'intime de son personnage, imbriquée dans les guerres menées et le génie militaire mis en images via des scènes de bataille toujours aussi merveilleuses, où le cinéaste nous offre à nouveau de superbes images imprimant durablement la mémoire. Il n'y a qu'à voir toute la beauté macabre de ces corps coulant dans un léger nuage rouge éclairé par des trous dans la glace, pour réaliser à quel point Sir Ridley continue d'enchanter l'écran et de porter de véritables fresques épiques et personnelles s'inscrivant dans la grande Histoire.

Avec Napoléon, il signifie tout simplement qu'il n'est pas encore prêt à rendre les armes.

Behind_the_Mask, qui a le bicorne de travers.

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le 23 nov. 2023

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