My favorite war s'inscrit dans une tendance qui n'est pas nouvelle mais qui s'accélère depuis quelques années que j'appellerais l'animation témoignage. Il y avait l'excellent Chris the Swiss, les films d'Anca Damian, mais aussi le fameux Valse avec Bachir. Voilà pour le namedropping en falsh. Le reste étant cantonné sur les bancs de quelques festivals pourtant prestigieux, on ne va pas se mettre en parler.
Je crois que la première chose qui frappe c'est le dessin et notamment son chara design. Ces yeux noirs et ces traits droits donnent aux personnages des allures d'insectes. Un sentiment entre le mignon et lugubre (uncanny ? ) que l'on doit à Svein Nyhus (je vous invite d'ailleurs à regarder son travail à coup de recherche sur votre moteur préféré) qui sied à merveille au film. L'autre chose c'est le titre : ma guerre préférée. Je ne sais pas si on peut parler d'oxymore dans ce cas-là mais à moins d'être un sociopathe ayant roulé sa bosse dans les derniers conflits à travers la planète et, se réunissant avec ses coreligionnaires pour discuter de quelle guerre aurait été la meilleure, difficile de s'imaginer prononcer ces mots. Pourtant, c'est bien de là que part le récit.

Comme beaucoup de ses pairs, My Favorite War fait office de catharsis. La réalisatrice parle à la première personne du singulier en s'affranchissant totalement de cette pseudo objectivité. Elle est à la fois le point de départ et d'arrivé de l'histoire. A travers elle, c'est aussi l'histoire avec un grand H qui s'exprime. D'ailleurs, le film n'hésite pas à recueillir des témoignages comme on écoute une histoire et à utiliser le pouvoir de l'animation pour retranscrire. Cette façon d'incruster du réel se retrouve aussi avec l'ajout de prises de vues réelles, d'images d'archives. Du côté de la narration, même si le film ne peut s'affranchir du fameux flashback souvenir (a fortiori lorsqu'il est mis en scène dans un bus qui file à vive allure dans une forêt), il est intéressant de noter que le personnage principal s'affirme à mesure que l'URSS s'étiole. Aux passages bucoliques et insouciants de l'enfance, se succède le béton et les premières désillusions du passage à l'école et s'en suivent les velléités de liberté de adolescence avec le lot de responsabilité qui va avec comme dirait Sefyu. Parallèlement à cela, c'est un empire flamboyant et encore fier sauveteur du monde de l'effroi nazi auquel succède une autorité inique, froide et vacillante. C'est donc la conjugaison de du ressenti personnel de la narratrice et des événements historiques qui rendent ce long-métrage passionnant à suivre en plus d'être émouvant.


Qu'on se le dise, ce n'est pas le prochain film d'animation à mater en famille au calme. Certaines séquences m'ont fait penser à un Requiem pour un massacre. L'animation est belle et il s'agit d'un enfant mais ça n'en fait pas un film pour marmots pour autant. Même si ça leur fera réfléchir à deux fois avant de pleurer pour une Switch. A mesure que le personnage principal prend en maturité, le récit devient de plus en plus oppressant à l'image d'eaux usées saturant une station d'épuration vétuste.


Parangon de ce que j'appellerais l'autre animation, celle qui prend des risques et s'adresse à un public forcément (et malheureusement) plus restreint, My Favorite War est assurément un grand film de par ses qualités picturales et narratives.

Alcalin
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le 17 juin 2020

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