Into to the wild version non censurée

Il y a trois jours décédait Robert Frank, photographe suisse naturalisé américain. Son œuvre la plus connue est sans doute Les Américains, roman photo qui narre son périple à travers les USA des années 50. D'est à l'ouest, du sud au nord. Le tout est accompagné par des textes de Jack Kerouac.


Quelques soixante années après, Andreas Horvath connu pour son travail en tant que photographe (tiens, tiens) et auteur de documentaires nous livre une réponse façon troisième millénaire au travail de Frank qui s'appelle Lilian.


Le film se base sur une femme qui a bel et bien existé au début du XXeme siècle, une certaine Lillian Alling. Désargentée, cette dernière entrepris un voyage pour rentrer en Europe à pied en passant par le détroit de Bering (l'endroit le plus sexy du monde, sans ironie).


Le tour de force du réalisateur est de partir de ce fait, d'en faire une fiction et de la placer en Amérique contemporaine. Je dis fiction mais la forme est volontairement trompeuse car il y a fort parfum documentaire qui s'en dégage. Que ça soit par l'utilisation de véritable émission de radio, par les bribes de conversations saisies l'air de rien ou les longs monologues des personnes croisées.


Depuis que Donald Trump a été élu, il semblerait que toute l'intelligentsia américaine se soit aperçue qu'il existe des gens aux USA en dehors des mégalopoles. Ils ont donc eu leur réveil militant et sont partis aller les voir. Pour le meilleur mais surtout pour le pire tant le mépris de classe pouvait suinter. Ce n'est pas le cas du réalisateur qui a commencé son projet bien avant les élections américaines mais surtout parce qu'il donne la parole à des populations bannies du champs médiatique, je pense aux populations indigènes du continent américain. Ou bien nous offre des personnages (qui jouent sûrement leurs propres rôles) loins des poncifs et de leurs façons habituelles d'être représentés. Je pense à ce touchant policier du midwest.


Lilian est un parangon de courage mais aussi d'aphasie. Le personnage ne prononce pas un mot de son périple même quand la situation est critique et que sa vie s'en trouve menacée. Cela est justifiée par le récit car cette dernière ne parle pas un mot d'anglais. C'est un peu difficile à croire tant le mondialisme a tendance à sacraliser cette langue mais cela apporte une force à la narration. Ce qui était probable en 1920 l'est moins en 2019. Peu importe, car l'actrice qui joue le rôle de nous offre une prestation sublime et captivante. Incarnée par Patrycja Planik, formidable qui est aussi photographe dans la "vraie vie" et compagne du réalisateur.


Je suis pauvre. Je me sers du cinéma pour voyager tout en restant sur place, c'est plus écologique. Ici, nous sommes servis par des plans magnifiques. Qu'ils soient serrés sur un détail ou large comme un paysage. Illuminé par un soleil d'été ou bien terne comme la lumière d'un ciel couvert. C'est un vrai régal de regarder ces tableaux. Accompagné par une musique de fosse qui donne des accents inquiétants à ce voyage et en casse la monotonie.


Lilian est un film solide, un voyage sur soi-même dans les profondeurs de ce qu'est l'humanité en ce début du siècle. Un cliché à la fois précis et se détaillant en une mosaïque. Le récit est suffisamment captivant pour qu'on soit totalement pris sur les deux heures. Ce n'est en revanche pas une œuvre consensuelle mais elle a le mérite de nous interpeller à défaut de nous intéresser.

Alcalin
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le 13 sept. 2019

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