Mulholland Drive fait partie de cette catégorie de films qui divisent, en ce sens où là où certaines personnes le trouvent long et chiant, d'autres y voient une grandeur et une maîtrise totale, un grand film. Je fais partie de la seconde catégorie, mais je peux tout à fait comprendre qu'on ne puisse pas du tout accroché à ce film. loin de moi l'idée de dire que j'ai raison et que tous ceux qui n'apprécient n'ont aucun goût ce serait un manque de respect. Je ne peux expliquer la fascination que me procure ce film. Chaque visionnage est empreint d'une ambiance onirique qui me porte et qui me pousse à me poser des questions.

Car des questions, on pourrait en poser sans s'arrêter sur ce film. Une chose est certaine, un seul visionnage ne suffit pas. Comprendre le film a été un défi, me faire une opinion, une épreuve. Mais c'est en ce sens que je trouve ce film absolument fantastique et fascinant, même en arrivant à la fin, on se pose encore des questions, sans avoir pour autant des réponses. Lynch ne nous livre à la fois aucun indice et une multitude à la minute. Et on se retrouve tout con à la fin, tentant de se remettre de cette vision.

A partir de là, ça spoile. Je vous aurai prévenu !

http://blogs.bestmovie.it/giorgioviaro/files/2013/02/mulholland-dr-004-2001-mud-thing.jpg
Fuis curieux imprudent qui n'écoute pas mes conseils, je vais te révéler toute une interprétation personnelle du film !

Le film présente d'abord une intrigue banale, une quête d'identité d'une femme prénommée Rita, aidée par une jeune actrice qui vient tenter sa chance à Hollywood, Betty. Mais déjà on se pose des questions, ce premier plan, cette tombée sur ce qui ressemble à un coussin rose, que vient il faire ici ? Et puis pourquoi nous montrer ces personnages qui n'ont pas de lien apparents avec les deux femmes dans le restaurant ? Et surtout, bordel c'est quoi cette chose qui surgit au coin de la rue ?!
Bon je pense que tout le monde avait compris que nous étions dans un rêve. Un rêve qui semble idyllique, totalement irréel. Mais n'est ce pas le principe même du rêve que d'être irréel ?
Un rêve qui prend fin brutalement après une séquence magnifique, une séquence clé qui brouille la frontière qui existe entre réalité et illusion (=> https://www.youtube.com/watch?v=O4fHaDM9FQA). Une séquence qui pose la question sur les limites du rêve finalement.

A partir de là, tout bascule et tout prend son sens. Les indices laissés par Lynch nous apparaissent clair comme de l'eau de roche. Il prend le contre pied total de son film, jouant de son influence sur ce que nous croyons être réel, et ce que nous croyions être irréel.
Et alors que se réveille une femme supposée morte, on découvre la vérité. Les théories freudiennes sur l'interprétation des rêves viennent compléter les vides laissés par les différentes scènes précédentes. Une histoire d'amour. Une trahison, un crime passionnel. Voilà le secret que cache ce rêve. Betty n'est plus, elle est Diane. Elle est désespérée, et cherchait refuge à travers ses rêves. Et le réveil est douloureux, le retour à la réalité également.

C'est à ce moment là que je trouve la véritable force du film. Revenir à la réalité que l'on évitait depuis le début mais rester dans son idée de brouiller la frontière avec l'illusion. Car en se plongeant dans les souvenirs et la mémoire de Diane, on s'attaque à ce que Breton et Freud théorisait il y a près de100 ans. "Lorsque l'on cesse de dormir nous ne sommes que le jouet de notre mémoire" disait Breton dans son Manifeste du Surréalisme, ce qui semble bien être le cas ici, où l'on suit la déchéance de Diane, lente et progressive, d'humiliations en humiliations jusqu'à une humiliation fatale qui la conduit au suicide. La caméra de Lynch est fluide, aérienne, comme irréelle elle aussi. Sa mise en scène sans défauts.

En 2h20 de temps, Lynch aura démontré sa connaissance du rêve, il aura finalement essayé, et réussi avec brio de mettre en image les grandes théories sur l'interprétation des rêves entamées par Freud à la fin du 19e siècle. Le film est intense, renforcée par la musique splendide d'Angelo Badalamenti (et son love theme inquiétant et beau à la fois) et une mise en scène incroyable.
Le film peut désarçonner c'est sur. Il peut décevoir c'est encore plus certain. Mais il me fascine, et continuera de me fasciner au fil des ans, c'est une certitude. Ou bien tout ceci n'était qu'une illusion de plus ? Allez savoir...

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le 22 mai 2014

Modifiée

le 22 mai 2014

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