Je suis un immense fan de la franchise James Bond, et c'est la seule "marque" qui me fasse me déplacer en salle, à chaque fois. Et dans l'histoire bondienne, sa version jouée par Daniel Craig a toujours produit des films au moins intéressants, au mieux très réussis. Autant vous dire que j'attendais Mourir peut attendre avec impatience, et il faut dire, un peu de crainte. Et j'ai pris une claque.


D'abord, car ce film est un contre-pied total. Si James Bond s'est (encore) retiré des garages, il est rappelé, non pas par la Perfide Albion, mais par le cousin américain, en la personne de Félix Leiter. Ensuite, chose plutôt inattendue, ce James Bond me paraît féministe, ou presque. Pas de personnage féminin ingénue ici, que des débrouillardes, des puissantes, des battantes, encore plus combattives, fières et fortes que notre espion en smoking. Le trio d'actrices qui entoure Bond, Léa Seydoux, Lashana Lynch et Ana de Arnas (sans oublier Naomie Harris) représente plusieurs visage de la féminité forte et indépendante.


Autre contre-pied : l'histoire s'intéresse à James plus que jamais. Car si l'histoire est complexe, avec des retournements de situation, ce sont les choix, les actions de l'espion qui engendrent les évènements. Plus important encore, le film est plus intime que jamais. Ici, on s'intéresse à la psyché de 007, son problème de confiance envers les autres, le deuil impossible de Vesper, l'amour empêché avec Madeleine, et d'autres thématiques des plus inattendues. Ici James est humain, un humain pas comme les autres, mais un humain quand même.


Enfin, le film est prêt à se débarrasser de la quasi-totalité de l'arc narratif développé depuis 4 films, à la moitié de celui-là, pour faire avancer l'intrigue, et amener ses protagonistes à la rencontre d'un nouvel ennemi. Le film est aussi prêt à se lancer dans des séquences de quasi-épouvantes, qui m'ont fait peur comme jamais je n'ai eu peur dans un James Bond.


Même si le film est un contre-pied total, il sait s'encrer dans son histoire. D'abord, il conclut avec brio l'arc narratif du CraigBond, en refermant toutes les plaies et les arcs narratifs. Mais il cite avec encore plus de génie l'une des oeuvres les plus mal-aimés de la franchise, le magnifique Au service Secret de sa Majesté. D'abord dans sa scène d'ouverture,avec le thème du film, et à la toute fin, la chanson de Louis Armstrong "We have all the time in the world", qui donne un poids immense au dénouement final, encore une fois avec un contre-pied total.


Côté cinématographie, la photo est assez magnifique, originale, autant froide que chaude, bizarrement, et certaines séquences (un plan-séquence discret mais impressionnant dans un escalier, la course poursuite en 4x4 en Norvège, les deux premières scènes d'ouverture) sont de grands morceaux de bravoure. Tout le monde joue très bien, particulièrement Léa Seydoux et Daniel Craig, que l'on sent habités par leur rôles.


Mais impossible de parler de ce film sans spoiler. Alors faisons-le, car le génie de ce film tient à trois décisions radicales, totales, imprévues et téméraires


La première, finalement anecdotique à l'orée des autres, est celle de tuer Félix Leiter, après moins d'une heure de film. Personnage iconique de la saga, le tuer est déjà surprenant. La seconde est Mathilde. Présentée comme la fille de Madeleine et d'un autre homme, James a une relation très paternaliste avec elle, et on comprend petit à petit que c'est bel et bien sa fille. Voir Bond en papa poule et protecteur est un plaisir sur ces rares séquences

La dernière décision, qui se dévoile progressivement tout au long du film, c'est la mort de Bond. Et là c'était immense. Déjà, un studio qui prend une décision aussi délirante, de tuer une telle poule aux oeufs d'or, quel génie, quel coup de poker. Et quelle émotion. 25 films, 50 ans d'histoire, un personnage qui a construit ma cinéphilie et ma relation au monde (un petit peu), qui semblait immortel, par convention et par habitude, et qu'on décide de tuer, à la fin... Quelle surprise !


Mourir peut attendre restera un opus à part dans la franchise des James Bond. Pour sa témérité et l'émotion qu'il a su créer chez moi. Hâte de voir comment se poursuivra la vie de James Bond au cinéma.

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le 8 juin 2022

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Agregturp

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