Mort ou vif
6.3
Mort ou vif

Film de Sam Raimi (1995)

La loi a retrouvé son étoile avec Sam Raimi qui tire plus vite que son ombre



  • Vous avez déjà tué ?

  • Bien sûr.

  • Je ne crois pas que ce soit vrai. Vous voyez, au fond la seule question c'est : Jusqu'où êtes-vous prête à aller ?

  • Jusqu'au bout.

  • Mon père était juge. Ça vous étonne ? Il nous obligeait, ma mère et moi, à assister aux pendaisons. Un jour, il a dit qu'il fallait couper le mal à la racine. Il a pris une balle, la mise dans son révolver, et fait tourner le barillet. Ensuite, à tour de rôle, il a tiré sur chacun de nous, jusqu'à ce qu'il se fasse exploser la moitié de la cervelle. Hohoho ! Au dernier déclic. Hihahoho !... Il faut que vous sachiez : Il n'y plus rien sur cette Terre qui puisse me faire peur. Rien.




Est-ce possible ? Peut-on repousser les limites de la perfection ?



"Mort ou Vif", réalisé d'une main experte par Sam Raimi, nous plonge profondément dans l'univers impitoyable du Far West, tout en maniant avec habileté les clichés propres au western, mais sans jamais les tourner en dérision. Au contraire, il rend un vibrant hommage à l'un des éléments emblématiques de ce genre cinématographique : les duels au pistolet. À travers ce parcours cinématographique empreint de respect et d'une subtile volonté de rafraîchir les thèmes classiques, "Mort ou Vif" parvient à dépoussiérer un genre qui, en 1995, marquait le début du déclin total aux yeux des cinéphiles, des studios et du public en général, malgré quelques tentatives qui ont floppées au box office. Bien qu'il ne révolutionne pas les conventions et préserve fidèlement l'âme du western, le réalisateur parvient à offrir une expérience cinématographique des plus captivantes et divertissantes. Le scénario, élaboré par Simon Moore, propose une simplicité qui résonne de manière puissante avec les thèmes emblématiques du western. On y retrouve un tyran local, la "paisible" ville de Redemption tenue sous une poigne de fer, des duellistes déterminés qui convergent vers cette bourgade pour participer à un tournoi annuel aux enjeux financiers considérables, ainsi qu'un mystérieux étranger vengeur qui surgit à la dernière minute pour semer le chaos... De plus, la présence d'un ancien hors-la-loi cherchant la rédemption ajoute une profondeur inattendue à l'histoire, amplifiant la signification du nom de la ville, Redemption.


Raimi propose une réalisation astucieuse qui trouve un équilibre subtil entre une caractérisation classique et respectueuse des westerns traditionnels et son propre style cinématographique distinct. Il a su injecter de l'originalité dans un genre parfois rigide, pour ainsi y apposé sa propre pate créant une atmosphère visuelle distincte, mélangeant des éléments de l'ouest sauvage avec des touches modernes, ce qui contribue à l'unicité du film. Raimi parvient à insuffler une dose d'exubérance dans certaines scènes sans pour autant dénaturer l'esprit du western, et c'est bien la réussite de son oeuvre. Les répliques cinglantes contribuent activement à nourrir les diverses péripéties. La photographie de Dante Spinotti soutient habilement les nombreux cadrages astucieux. Le montage impeccable de Pietro Scalia confère une intensité saisissante aux nombreux duels. Les décors conçus par Patrizia von Brandenstein créent un monde visuel captivant, où les paysages de Mescal et Tucson, en Arizona, prennent vie de manière crédible. Enfin, les costumes de Julianna Makovsky apportent une touche authentique à chaque personnage, enrichissant ainsi la profondeur de l'ensemble. S'ajoute la musique d'Alan Silvestri, qui est un point fort du film avec des petites imprégnations à Morricone. Elle modernise l'univers sonore du western en mélangeant des partitions dynamiques avec des éléments plus traditionnels, créant ainsi un équilibre entre les racines du genre et une touche de renouveau. Une belle composition.


Les scènes de duels au pistolet, élément central de Mort ou Vif, sont mises en scène de manière magistrale. Raimi utilise des angles de caméra inventifs et une édition dynamique pour créer une tension palpable à chaque confrontation. Une série de duels au pistolet captivants et distincts, chacun offrant une confrontation unique qui accroche incontestablement le spectateur. Ces duels sont des moments intenses qui contribuent de manière significative à l'atmosphère du récit. Une caméra qui tournoie avec une agilité impressionnante autour des duellistes, créant une sensation tourbillonnante d'anticipation chez les spectateurs. Les regards furtifs entre les adversaires sont chargés de tension, tandis que ceux déterminés traduisent la détermination qui anime chaque personnage. L'intensité émotionnelle est palpable, les visages des protagonistes témoignent de l'enjeu de chaque confrontation. Les gouttes de sueur qui perlent sur les fronts des duellistes sont un détail subtil mais significatif, illustrant la pression et la concentration extrêmes qui règnent dans ces moments critiques. Les respirations haletantes des combattants ajoutent à cette atmosphère suffocante, chaque souffle semble être lourd de conséquences. Et tout cela se déroule dans un décor sonore où le cliquetis des armes à feu prêtes à être dégainées est comme le tic-tac d'une horloge, marquant inexorablement le déroulement du duel imminent. Ainsi, chaque élément visuel, auditif et émotions s'entrelace pour créer des duels mémorables, capturant l'essence même de cette particularité propre au western pour faire des confrontations qui suscitent une véritable montée d'adrénaline chez les spectateurs.




  • Tu n'es pas assez rapide pour moi !

  • Aujourd'hui, je le serai.



Niveau distribution, Sam Raimi s'est fait plaisir, et nous avec ! Sharon Stone incarne Ellen de manière convaincante, une figure forte et déterminante qui s'impose sans peine dans l'univers masculin du western. Elle se démarque parmi les compétiteurs masculins et incarne un personnage mémorable et charimsatique. Ce qui distingue particulièrement le personnage de Sharon Stone, c'est sa capacité à échapper à la caricature, même si chaque geste, chaque réplique et chaque plan semblent embrasser cette dimension caricaturale. Cela est rendu possible grâce à une exploration psychologique fascinante de son personnage, qui est marqué par un passé tragique et impitoyable. Cet arrière-plan fait d'elle une guerrière vengeresse, mais elle est également paralysée par la crainte de la mort. Russell Crowe, dans le rôle de Cort, donne vie à un protagoniste d'une grande complexité. Il est enlevé par son ancien camarade de bande pour être contraint de participer au tournoi, dans le but de déterminer définitivement lequel des deux est le plus rapide. Ayant abandonné la violence pour embrasser la prédication dans une quête de rédemption pour ses nombreux péchés passés, Cort se retrouve déchiré entre deux feux idéologiques : celui de la vengeance et celui du pardon, dictés par sa foi profonde. La relation qu'il entretient avec le personnage de Sharon Stone est habilement développée tout au long du récit. Leonardo DiCaprio, qui a obtenu ce rôle grâce à Sharon Stone, incarne Kid, le fils du maître de la ville de Rédemption, et livre une performance électrisante. Malgré sa jeunesse, il campe un personnage à la fois complexe et vulnérable, tout en étant un tireur d'exception, rapide et impulsif. Il s'agit d'un jeune rebelle en quête d'évasion hors de l'ombre de son père tyrannique.


Rejoignant les trois cowboys principaux, une variété de personnages véreux fait son entrée, avec en tête Tobin Bell, qui incarne de manière amusante Dog Kelly, l'un des duellistes prenant part au tournoi. Il est le premier à tater du gun de Sharon Stone. Kevin Conway pour Eugene Dred est un duelliste sinistre doublé d'un pédophile qui apporte une froideur et une menace supplémentaire au périple. Sharon Stone corrigera adroitement le viol commis par celui-ci. Jonothon Gill en tant que Cheval Moucheté, apporte une bonne dose de stress, en tant que duelliste difficile à tuer. On retrouve la tronche atypique de Mark Boone Junior qui est également présent sous le rôle de « Scars », un évader de prison, lui aussi impitoyable. L'excellent Keith David montre le bout de son nez en tant que sergent Clay Cantrell, un chasseur de primes charismatique, droit, respecté et intègre qui contraste avec les personnalités plus malveillantes des autres duellistes. On peut également compter sur la brillante présence de Lance Henriksen, qui incarne avec brio Ace Hanlon, un cowboy à l'attrait véritablement singulier. Ace est un véritable virtuose du pistolet, aussi habile avec son arme qu'avec un jeu de cartes, offrant des tours de magie qui enchantent le public. Henriksen apporte une vivacité et un charme indéniables à ce personnage, lui conférant une combinaison détonante de divertissement et de danger. Sa confrontation avec l'antagoniste principal, le maître de la ville, est l'un des moments les plus mémorables du film.


Enfin, arrive celui à cause de qui toute l'intrigue se noue, celui qui alimente la rancœur profonde des trois protagonistes principaux, celui dont la chute suscite les rêves de tous les participants du tournoi, car il en est depuis toujours le vainqueur incontesté. Il s'agit du maître tout-puissant de la ville de Redemption, John Herod, dont l'interprétation extraordinaire par Gene Hackman en fait l'un des méchants les plus mémorables de l'histoire du cinéma. Gene Hackman incarne avec une maestria indéniable la perversité, le sadisme et le charisme de cet ultime antagoniste aussi rapide de la main droite que de la main gauche. Sa présence est si imposante que l'on peine à détourner les yeux, tant sur le fond que sur la forme. Chaque plan le mettant en scène est devenu culte, chaque duel auquel il participe est un moment de tension extrême. La séquence du diner entre Herod et Ellen est mémorable, tout comme le duel final qui ne manque pas de panache. La mise en scène atteint son apogée alors que les deux adversaires se font face, prêts à dégainer. La caméra passe de l'un à l'autre, accentuant le suspense, tandis que la musique monte en crescendo pour ensuite laisser place à un silence pesant. Chaque instant de cette confrontation est orchestré avec précision pour créer un moment d'anthologie où le destin de Redemption est en jeu. Jusqu'à présent, Hérod a toujours triomphé, mais cette fois-ci, c'est la mystérieuse étrangère, rongée par la colère et la vengeance, qui lui fait face. On termine par les sympathiques participations de Roberts Blossom pour Doc Wallace, Pat Hingle pour Horace, ou encore Gary Sinise en tant que marshal. Il est intéressant de noter que Bruce Campbell, un ami du réalisateur Sam Raimi, a tourné un caméo lors du mariage du personnage "Kid", bien que cette scène ait finalement été coupée.



CONCLUSION :



"Mort ou Vif", réalisé par Sam Raimi, se présente comme un western qui réussit à marier avec brio les éléments classiques du genre à une esthétique stylisée, offrant ainsi une expérience cinématographique de tout premier ordre. Il s'agit d'un western à la fois palpitant et enflammé, proposant des instants de suspense, d'action et d'émotion qui maintiennent le spectateur captivé tout au long du récit. L'un des atouts majeurs de ce film réside dans la performance exceptionnelle de son casting, composé de nombreux acteurs talentueux, chacun apportant sa propre nuance et intensité à ses personnages respectifs. Cela résulte en une mosaïque complexe de personnalités et de motivations qui enrichissent l'intrigue et confèrent au film son caractère mémorable. Une réinterprétation haletante du Far West qui a failli pousser Sam Raimi à abandonner le cinéma, ce qui aurait été ironique.


Pas la loi. L'ordre.




  • Monsieur Hanlon, ce fameux règlement de compte à Indian Wells. Ça s'est vraiment passé comme vous le dites ?

  • Et comment.

  • Donc, vous avez descendu quatre hommes ?

  • Deux de la main gauche et deux de la main droite. Et oui, ce qui est sûr, c'est que je suis aussi bon de l'une que de l'autre.

  • Vous devez être la gâchette la plus rapide de l'Ouest. Hahaha ! Ou le plus grand menteur du siècle.

  • Dommage que vous n'étiez pas là pour le voir.

  • Hahaha ! Oh, mais j'y étais, hélas. Tu vois, en fait c'est moi qui ai descendu les frères Porter. Et toi, le bonimenteur qui chie dans son froc, tu n'étais même pas dans le même district.



Critique disponible sur ma chaîne YouTube "JéJé Western", cette fois-ci en duo avec Venom -31 : https://www.youtube.com/watch?v=sLfphGgjSEo&t=928s

Créée

le 17 sept. 2023

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