Divisé en trois parties, de l'enfance à l'âge adulte, le parcours d'un jeune Noir dans les quartiers pauvres de Miami jusqu'à Atlanta est ainsi retracé dans un premier long-métrage tendre et délicat, souvent retenu et elliptique, en dépit de quelques afféteries de mise en scène : mouvements de caméra rotatifs, filtrage et surexposition. Uniquement peuplé de Noirs, le film montre combien l'appartenance à une communauté qu'on pourrait penser unie et solidaire du fait qu'elle a été souvent – ou qu'elle est encore – rejetée, stigmatisée ou niée dans ses droits ne garantit en aucune façon la protection, l'acceptation ou la sympathie pour peu qu'on diverge des codes et des coutumes de ladite communauté.


Le petit Chiron, si frêle et effacé qu'il a écopé du surnom de Little, va l'apprendre très tôt, victime désignée et bouc émissaire idéal par sa sexualité différente, que l'entourage (sa mère droguée, son père de substitution Juan, dealeur de crack, et les autres élèves du collège) semble percevoir avant qu'il n'en prenne lui-même conscience.


La troisième partie du film met à jour un Chiron métamorphosé, rebaptisé Black, comme si la seule échappatoire passait par s'attribuer jusqu'à l'excès les caractéristiques attachées à sa communauté : la force physique, l'apparence et l'activité d'un gangster dans la négation farouche et douloureuse de sa véritable nature. Devenu une montagne de muscles, solitaire et tentant de jouer à son tour les mentors auprès des jeunes qui travaillent désormais pour lui, Chiron n'en est pas moins fragile et surtout bien plus éloigné de lui-même que lorsqu'il était enfant ou adolescent.


Couvert d'éloges et figurant parmi les favoris de la prochaine cérémonie des Oscars, pour des motifs de bonne conscience davantage que pour ses qualités purement artistiques, Moonlight est un film honnête, qui ne verse jamais dans le lacrymal, réserve quelques belles séquences et communique au final une impression de tristesse et de gâchis. L'interprétation est à la hauteur avec mention spéciale pour le gamin attachant qui irradie le premier chapitre.

PatrickBraganti
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus en 2017

Créée

le 3 févr. 2017

Critique lue 403 fois

3 j'aime

Critique lue 403 fois

3

D'autres avis sur Moonlight

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

179 j'aime

3

Moonlight
JérémyMahot
4

Un scénario lunaire

Moonlight, comme son personnage principal, a du mal à se situer : le film de Barry Jenkins se présente d'abord comme un témoignage social, à vif, caméra à l'épaule dans le style des frères Dardenne,...

le 11 févr. 2017

62 j'aime

Moonlight
Plume231
3

La seule chose à retenir : la bourde la la landienne !!!

Les vannes de Jimmy Kimmel, les très nombreuses piques anti-Trump de la part de Kimmel et des différentes stars qui ont défilé sur scène, des noirs récompensés à profusion pour tenter de faire...

le 1 mars 2017

37 j'aime

5

Du même critique

Jeune & Jolie
PatrickBraganti
2

La putain et sa maman

Avec son nouveau film, François Ozon renoue avec sa mauvaise habitude de regarder ses personnages comme un entomologiste avec froideur et distance. On a peine à croire que cette adolescente de 17...

le 23 août 2013

89 j'aime

29

Pas son genre
PatrickBraganti
9

Le philosophe dans le salon

On n’attendait pas le belge Lucas Belvaux, artiste engagé réalisateur de films âpres ancrés dans la réalité sociale, dans une comédie romantique, comme un ‘feel good movie ‘ entre un professeur de...

le 1 mai 2014

44 j'aime

5