Avec La vieille dame indigne, Moi, Pierre Rivière... est sans doute le film le plus connu de René Allio. Il parle en effet d'une affaire criminelle ayant frappé la Normandie en 1835, concernant le jeune Pierre Rivière. Ce dernier, guidé par une voix divine, avait tué sa sœur, sa mère et son frère à coups de serpe, avant de prendre la fuite, et de se rendre finalement aux autorités. Son procès aurait dû le condamner à mort, mais, la peine étant commuée par le roi Louis-Philippe, elle fut changée en prison à vie. Pierre Rivière se suicidera par pendaison cinq ans après ses faits.
Durant son emprisonnement, avant son procès, il se met en tête d'écrire un Mémoire pour expliquer son geste, et c'est ce qu'on va voir durant tout le film, qui est un grand flash-back.
Le procédé de René Allio est en soi très original, car la plupart des acteurs qu'on voit à l'écran, y compris Claude Hébert qui joue Pierre Rivière, sont des non-professionnels habitant non loin du drame, et donc avec un fort accent Normand qui donne au film une formidable authenticité.
On est parfois proche du documentaire, avec ces témoignages de proches filmés face caméra, avec le nom et l'âge de la personne, parlant de Pierre Rivière. Toute la question du film, et du livre de Michel Foucault dont c'est une adaptation, est de savoir si Pierre Rivière fut un fou, ou quelqu'un ayant savamment préparé ses crimes ; la controverse étant la qualité de ses écrits, qui fut sans nul doute celui de quelqu'un de très intelligent, mais dont le caractère auprès des autres le faisait passer pour quelqu'un d'anormal.
C'est là toute l’ambiguïté de cette histoire, et du film, qu'Allio restitue très bien, avec une excellente reconstitution du monde paysan du XIXe siècle qui donne l'impression que les gens vivaient dans des communautés.
De plus, il faut souligner l'excellente interprétation de Claude Hébert, qui joua dans quelques films avant d'arrêter sa carrière, donnant à Pierre Rivière une forme de fragilité.
D'ailleurs, Nicolas Philibert, que l'on connait comme documentariste, était assistant réalisateur sur le film, et a décidé de rendre hommage à ce film, et à René Allio, dans un documentaire sorti en 2007 ; Retour en Normandie. Le réalisateur revient sur ces terres normandes à la rencontre de ces apprentis acteurs, et de Claude Hébert, sur leur expérience vis-à-vis du film de René Allio. C'est un excellent complément à ce film-là, qui parle tout de même d'une tentative scientifique de résoudre un crime, que je trouve très réussi.