Mister Cocktail : mi-explosif, mi-pétard mouillé

Quand sort Mister Dynamite, Jackie Chan est déjà le maître du cinéma hongkongais, une position qui ne sera guère contredite pendant longtemps. Qu’il pratique son kung-fu dans des films situés dans des périodes plus lointaines ou dans des contextes contemporains urbains, ses films démontrent une véritable imagination dans les chorégraphies des affrontements, bondissants et sans cesse renouvelés en utilisant le décor et autres idées.


Avec Mister Dynamite l’acteur tente de renouveler son image mais sans trop surprendre son public. Il est ici Jackie, surnommé Asian Hawk, aventurier pilleur, qui revend son butin en recherchant la meilleure marge possible. Les préoccupations archéologiques n’ont aucune importance. Mais quand revient dans sa vie une vieille connaissance, Alan, qui va lui demander de l’aider pour secourir sa compagne, Lorelei, pour qui Jackie avait le béguin, il se retrouve embarqué dans une histoire où il ne sera pas seulement question de la secourir mais aussi de retrouver une armure ancienne. Pour cela ils vont devoir se confronter à une secte européenne qui porte très bien la bure.


L’introduction est la démonstration des talents d’aventurier et de voleur de Jackie auprès d’une tribu et de sa fuite. Si d’un point de vue moral c’est pas jojo, la scène se termine par une course-poursuite rocambolesque.


Mais la meilleure partie du film réside dans le dernier assaut de Jackie contre le repère de cette secte. Jackie, délaissé de son compère Alan, amuse et provoque, avec un aplomb à peine aperçu avant, on se régale de ses dialogues. Mais le film appuie enfin sur la pédale de l’action. Le comédien bondit, se cache, se faufile, et quand il faut mener le combat contre une assemblées de religieux attablés pour leur pause Kit-Kat, puis d’autres, il use de toutes les ressources possibles, avec un certain humour, mais aussi une véritable inventivité dans cet affrontement bien chorégraphié. Et quand il faut tirer la révérence, le film le fait avec un sens du spectacle certain. La projection se termine avec des étoiles dans les yeux.


Mais il y a tout le reste, ce qu’il y a au milieu. Et c’est un peu moins la joie.


Il y a ce scénario facile, un peu prétexte, avec cette vieille connaissance à secourir, un artefact à retrouver, avec une secte de méchants, pourquoi pas. Ok, du classique. Mais il y a tant d’autres idées qui ne relèvent pas le niveau. Le passé de Jackie avec Alan et Lorelei, quand ils faisaient partie d’un boys band local, outre la plaisanterie, ce n’est pas très intéressant, d’autant que le film ne nous explique pas comment il est passé de chanteur pour midinettes à aventurier, c’est comme ça. La rivalité entre Jackie et Alan revient sans cesse, pour constamment la rappeler, suggérant qu’elle n’est pas vraiment digérée. D’ailleurs, c’est la compagnie d’Alan qui affadit la personnalité de Jackie, toujours à se justifier auprès de lui, à s’expliquer ou à ronchonner. Alan étant un peu plus couard, plus accusateur, c’est le pitre maladroit, rapidement agaçant. La compagnie de May, fille d’un collectionneur, aurait pu atténuer ce duo lassant, la comédienne Lola Forner a d’ailleurs une présence magnétique très forte, un regard qui vous transperce. Mais elle même se lassera des facéties de Jackie et de May, notamment lors d’une scène de quiproquos vaudevillesque assez grossière.


Une scène de course-poursuite véhiculée viendra heureusement relancer l’attention, très lourdement remplie en motos, voitures et surtout en tremplins, qui feront décoller bien du monde. La vitesse et les cascades n’en sont que plus inquiétantes dans un cadre de ville, peuplé.


Mais il y aura bien du blabla, beaucoup de discussions échangées, avec des querelles entre les uns et les autres sans grandes conséquences, et un humour un peu pataud, pas très rigolo.


Ce qui apparaît comme une temporisation provient probablement du terrible accident survenu pendant l’introduction, où Jackie Chan s’est sévèrement blessé. C’est même le plus grave accident de sa carrière, pourtant riche en fractures et commotions. L’acteur téméraire a passé 6 mois à l’hôpital, avant de revenir et de reprendre la réalisation. Et même si sa détermination n’est plus à prouver, Jackie Chan avait peut-être besoin de souffler, avant d’offrir cette conclusion dantesque.


C’est dommage, car Mister Dynamite est ambitieux. Il tente de se sortir de certains carcans du cinéma hongkongais en louchant sur un cinéma grand public plus hollywoodien. Il est amusant de retrouver le Jackie Chan des années 1980 dans des décors d’Europe centrale, avec ses vieilles pierres, ses paysages naturels mais aussi ses figurants caucasiens. Tout le monde parle cantonais, et tant pis si le figurant n’a pas le profil pour, il n’y a aucune autre langue, avec les intonations parfois aiguës correspondantes. Mais après tout, Hollywood ne se gêne pas depuis longtemps pour faire parler toute la planète en anglais.


Mister Dynamite emprunte d’ailleurs certains codes d’un cinéma plus occidentalisé, en ayant la main lourde sur les explosions de voiture et sur certains placements de produits (impossible de ne pas savoir quel constructeur automobile a participé au film) mais aussi lors de certaines scènes. Au moment de l’enlèvement de Lorelei, il y a un double montage assez audacieux, sur un fonds sonore musical qui donne à l’ensemble un air de clip de film d’action assez réussi. Dommage par contre que la majeure partie du film n’ait pas la même prétention dans la mise en scène.


La musique de Michael Lai et Tang Siu Lam fait d’ailleurs assez blockbuster, elle est assez démonstrative mais ses morceaux les plus pêchus ont une assurance folle, bien adaptée.


Malgré ces évidents défauts, mais aussi ses quelques qualités et son ambition évidente mais peut-être contrariée par l’accident de Jackie Chan, Mister Dynamite fut un immense succès sur son sol natal, entraînant deux suites. Operation Condor en 1991 et Chinese Zodiac en 2012.

SimplySmackkk
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le 15 avr. 2022

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