Claude Sautet joue avec ses personnages et les valeurs morales qu’ils représentent pour bousculer l’ordre établi par une société qui classifie ses sujets en fonction de la légalité de leurs activités et de la masse de billets qu’ils ont à disposition. En faisant d’un inspecteur de police, présenté comme le garant d’une morale inflexible, un névrosé prêt à condamner des truands à la petite semaine, qui se contentent de survivre dans leur coin sans faire grand mal à quiconque, pour se venger des véritables enfoirés qu’il n’arrive pas à coffrer, Claude Sautet redistribue les cartes. Le véritable salaud de son histoire est celui qui se targue pourtant dès les premières minutes d’œuvrer sans répit pour construire un monde meilleur.


Peu d’action dans ce film de truands à l’ancienne, mais une vraie sensibilité lorsqu’il s’agit de construire des personnages humains. Entre oisiveté rassurante, soif de revanche féroce et abnégation forcée, les personnages de Max et les ferrailleurs sont tous les dignes rejetons d’une vie qui ne fait pas de cadeau. Michel Piccoli mène la charge avec panache, jouant son personnage de flic retors avec une grande finesse : il est le mastermind du tour de force qu’entreprend Sautet en revisitant de manière originale le caper movie puisqu’il en inverse complètement la mécanique. Le flic, qui habituellement souhaite mettre à mal le génie machiavélique de potentiels pilleurs de banque, se retrouve être le maître à penser du délit qu’il souhaite violemment contrer.


Quant au point final de toute cette agitation, s’il peut paraître cavalier (je le trouve pour ma part un peu surréaliste), il n’en reste pas moins très beau dans sa portée symbolique : le cœur glacial du manipulateur s’est fait contaminer par un amour dont il se croyait hors de portée. Un amour passionnel si puissant qu’il le conduit à renier ses principes les plus inflexibles pour franchir à tout jamais la ligne morale qu’il mettait pourtant toute son énergie à dessiner.


Plus qu’un polar au sens premier du terme, Max et les ferrailleurs est une très belle étude de caractère. Par l’intermédiaire de la belle relation qui s’installe entre Max et Lily, c’est une lutte des classes subtile qui se joue : la rigueur d’une vie rythmée par la réussite contre la simplicité d’âmes bien décidées à profiter du moment présent. Heureux les simples d’esprit disait l’autre … Sautet semble approuver, celui qui perd le plus dans son film est certainement celui qui doutait le moins de ses capacités en devenant le chef d’orchestre d’un plan censé se dérouler sans accroc. Mais c’était sans compter sur les yeux charmeurs de la belle Romy.

oso
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le 17 janv. 2016

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