Squelette d’un mollusque marin, le coquillage est pourtant doté d’une âme d’enfant dans ce faux documentaire plein de tendresse. Trois ingénieux courts-métrages ont introduit Marcel the Shell with Shoes On du cinéaste Dean Fleischer-Camp et de sa compagne de l’époque, Jenny Slate, humoriste et actrice. Leur enfant en pâte à modeler, assemblé avec des produits bon marché, a finalement trouvé le grand écran, sans oublier qu’il vient de YouTube, le support d’origine qui a su rassembler de nombreux fans autour de ce projet inspiré et inspirant. Une combinaison exigeante et fascinante de la stop-motion et du live-action nous immerge dans l’immense univers d’un minuscule personnage.


Curiosité et réjouissance, c’est en tout cas ce que l’on ressent à la proximité d’un tel spécimen qui pourrait se prêter à la mignonnerie naise, tel un chaton qui retombe maladroitement sur ses pattes. Marcel à ce pouvoir de communier avec son entourage, tout en trouvant mille astuces afin de s’adapter à l’environnement titanesque des humains. Le spectateur a donc le loisir de connaître les péripéties de son quotidien, à commencer par les déplacements à travers les pièces d’un Airbnb qui n’abrite pas exclusivement des vacanciers. Le cinéaste devient juste Dean, le temps d’empoigner sa caméra et de dialoguer avec sa création la plus précieuse et la plus adorable du moment. De même, le fait que Jenny Slate double Marcel n’est pas si anodin et révèle que sa coquille est remplie de vie, ambition, d’innocence et de sagesse.


On pourrait s’arrêter à ce jeu fantaisiste, à ces démonstrations loufoques et innovantes que Marcel et sa grand-mère Connie ont élaborées. Une balle de tennis en guise de véhicule, du pain de mie comme matelas bien douillet, une table en verre poussiéreuse comme patinoire et l’aire de jeu s’étend encore dans le jardin. On se régale avec eux du même pop-corn qu’ils ont préparé avec une intensité qui nous maintient de l’autre côté de l’écran, dans une réalité que l’on confondrait volontiers avec la nôtre. C’est ce qu’il y a de magique dans le fait de laisser cet enfant perdu entrer dans nos vies, tout cela dans le but de nous laisser notre univers rétrécir et de simplement profiter des petites choses que l’on aurait égarées dans nos tiroirs à chaussettes.


La forme n’emporte pas tout sur le fond également. Derrière une carapace aussi fine se cachent une grande sensibilité et une mélancolie qui questionne la solitude du héros, qui invite son audience à former une communauté. Le succès a néanmoins ses limites et le récit ne se prive pas d’en faire la démonstration par l’absurde. Inutile de retenir Marcel lorsqu’il se met à chanter de sa voix fluette ou à soutenir sa grand-mère dans ses difficultés. Ce ton n’est pas sans rappeler la finesse d’un Pixar (Toy Story, Wall-E) et la poésie d’un Ghibli (Arrietty), avec cette frontière brisée entre les humains et les petits êtres vivants, de plastique ou de chair. A24 saisit alors une opportunité qui promeut à la fois le génie technique et une sensibilité, qui ne sont pas toujours froidement arrosés par la souffrance des personnages.


Difficile de retenir notre joie ou l’expression de nos sentiments devant ce geste artistique et philosophique qui accompagne Marcel le coquillage (avec ses chaussures). On sèche volontiers nos larmes devant une incontournable prouesse cinématographique aussi spectaculaire, poignante et à la hauteur d’un personnage dont on ne doute pas un instant de l’existence, malgré la distance qui le sépare de ses pairs. L’importance de l’amitié et de la famille sont les clés afin de surmonter les épreuves que son monde a à nous offrir. En échange, cette œuvre ne demande rien de plus qu’un peu d’attention et d’amour.

Cinememories
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le 27 juin 2023

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