On avait laissé David Cronenberg sur son adaptation littérale et un peu bavarde du beau Cosmopolis de Don DeLillo, et sur un prometteur mais relativement décevant portrait de la relation Freud-Jung (A Dangerous Method). Il faut bien avouer que ces derniers temps, le Cronenberg de A History of Violence et Videodrome nous manquait pas mal, et que l’idée de focaliser nos espérances sur son Brandon de fiston était impossible, étant donnée l’ampleur du désastre Antiviral.

Maps to the Stars, nouveau film de l’auteur de la trilogie Chromosome (t’as compris ?), présenté en Sélection Officielle du Festival de Cannes, dépeint le quotidien de deux stars hollywoodiennes : Havana, une « fille de » vieillissante et presque has-been, mais obnubilée par l’idée d’interpréter le rôle de sa défunte mère dans un biopic, et Benjie, un enfant star venant de terminer une cure de désintoxication. Leurs deux histoires se rejoindront lorsque Agatha, sœur de Benjie, pyromane un peu tarée et au visage brûlé deviendra la femme à tout faire d’Havana.

Des visions fantomatiques, des relations incestueuses, de la drogue, des rivalités d’actrices, des secrets de famille : avec Maps to the Stars, le canevas que Cronenberg Sénior s’est tissé s’avère appétissant, bien plus proche de son univers tordu que de ses précédents films.

Et le nouveau trip du cinéaste canadien tient EASY toutes ses promesses.

En ancrant ses personnages dans un Hollywood dégueulasse, loin des fantasmes du wanabee lambda qui regarde Les Ch’tis à Hollywood en pensant à la belle Paris Hilton, il peut légitimer toutes ses digressions scénaristiques. Scène après scène, c’est rieur comme à ses débuts qu’il semble nous dire : « non mais vous ne connaissez pas le vrai Hollywood, moi je sais ce qu’il s’y passe ». Et le spectateur de se délecter des péripéties s’enchevêtrant et auxquelles les aussi détestables qu’énigmatiques (purement Cronenbergiens) héros sont confrontés.

Mais c’est au-delà de l’aspect farce de son œuvre que l’auteur du film avec le couple nymphomane qui fait des carambolages (tu l’as ?) ravit le plus. Le sentiment qui émane du film est celui de la liberté absolue d’un grand auteur de faire ce qu’il veut d’un bon budget (15 millions) et de grands acteurs bankables. C’est dans ce décalage du film de Cronenberg et de ce qu’il raconte, dans cette mise en abime aux possibilités infinies que la bonne idée réside.

On adore détester ces héros-acteurs et adorer ces acteurs-héros les campant avec une énergie communicative. Julianne Moore est excellente, comme John Cusack et les autres. De leur jeu émane également une liberté. Cette liberté pied-de-nez au blockbusters et au système hollywoodien explicitée en anaphore dans le film par les vers en anaphore d’Eluard (J’écris ton nom Liberté).
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le 18 mai 2014

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