Un nouveau remake. Après Batman, Spider-man et bientôt les 4 Fantastiques c’est donc Superman qui se voit affubler d’une nouvelle mouture, ce qui finit de confirmer les Comics comme fer de lance de l’industrie Hollywoodienne dans son plus haut degré de vide imaginatif. La « fabrique des rêves », galvanisée par les nouvelles possibilités et perspectives technologiques, n’en finit plus de raccourcir les cycles de recyclage des franchises, quitte à verser dans une invraisemblable absurdité (et là je pense clairement à l’ « Amazing Spider-man », inutile et foncièrement en deçà des réalisations de Sam Raimi). Mais le cash est au rendez-vous, le public a une mémoire de palourde, et la folle machine continue sa course insensée, au détriment de toutes les autres franges du cinéma…

Mais Superman dans tout ça me direz-vous ? Vous serez surement surpris d’apprendre qu’il vole toujours, est toujours indestructible et ne s’est toujours pas débarrassé de son allergie à la kryptonite. Qu’apporte le film de nouveau sur le personnage ? Rien. Que nous apprend le film sur l’évolution du personnage de comics en général ? Enormément. Entendons par là qu’il n’y a rien de neuf dans la version proposée par le réalisateur de Watchmen, 300 et Sucker punch, hormis une ambiance révélatrice qui mérite qu’on s’y attarde.

« Man of Steel » permet de mettre en lumière la tendance des Studios à Dark Knightifier les productions de super-héros. Pour des raisons purement pécuniaires soyez en sûr. Ton glacial, couleurs sombres et appauvries, personnages torturés, ambigus, bref une tendance à l’Hyperréalisme dans les comics. Le terme n’est pas trop fort puisque depuis Batman Begins et le succès généré par Christopher Nolan (producteur rappelons ici de Man of Steel) avec sa trilogie on ne compte plus les tentatives de rendre les super-héros plus « vrais », plus « réalistes ». Et là je vous laisse juges de cette antithèse. Super-héros et réalisme ne sont-ils pas sinon incompatibles, du moins non souhaitables ? C’est une tendance de fond qui court depuis plus de temps dans le monde papier des comics, que ces soit DC ou marvel, et je dois l’admettre un des facteurs qui m’a éloigné de l’univers contemporain des capes et des bottes, trouvant refuge dans les séries originelles. Passionnant sujet qui risquerait de nous entraîner plus loin que les comics eux-mêmes, et beaucoup trop loin du film.

Donc revenons à Superman. Le film commence par la traditionnelle scène présentant Krypton et là première déception, la planète mère du surhomme est graphiquement pauvre, peuplée de créatures communes, très loin de l’architecture et des couleurs cristallines si frappantes de la version de Richard Donner. Séquence d’une banalité assez frustrante qui se révèle être l’étalon du film. La tonalité grisâtre se retrouve ainsi tout du long, contaminant toutes les scènes, au détriment du héros qui se veut l’incarnation de la lumière. Rappelons quand même que si Batman est l’archétype du héros lunaire, souterrain, faisant de la nuit son alliée, superman au contraire est un être solaire, un phare rayonnant de puissance et d’espoir. Les deux personnages clés de DC sont conçus comme les deux faces de la même pièce, constituant les facettes du super-héros, ses limites terrestres et son infini potentiel. Ici entre les atermoiements, le doute, l’obscurité des messages (je vous renvoie au dialogue entre le père Kent et son super-fils au lendemain de l’accident du bus scolaire, où le paternel bienveillant le réprimande presque de ne pas avoir laissé les autres se noyer pour préserver son secret….admettez qu’on est loin, très loin d’un discours enjoignant à la défense du bien commun), on oublie presque que le gars doit guider l’Humanité vers des lendemains qui chantent !

Autre problème majeur du film, son incapacité à vivre hors du mouvement. Comprenez par-là que Zach Snyder n’est pas un réalisateur qui s’épanouit dans un cadre fixe, il lui faut du mouvement et à défaut des postures à figer. C’est pour cette raison qu’il réussit particulièrement bien dans les adaptations de romans graphiques comme Watchmens ou 300, mais qu’il échoue lorsqu’il y a autre chose à mettre en œuvre (comme dans la piteuse tentative qu’est Sucker Punch). Filmer Superman dans ses poses grandioses ou dans ses affrontements titanesques n’est pas un problème pour lui et il parvient même à enfin donner au personnage l’aura de puissance physique surhumaine qui manquait pour dépasser l’image d’un mec qui aurait mal enfilé ses froques le matin.
Seulement voilà le film ne repose que sur cet effet, délaissant tout le reste de l’univers, des personnages secondaires (quid de Lois, Perry, des parents Kent tous complètement transparents) aux décors (Métropolis n’est qu’une mégapole tout ce qu’il y a de classique). Aussi Man of Steel en devient non seulement trop attendu, prévisible, mais surtout un peu ennuyeux. Sans les scènes franchement réussies de baston (du moins celle dans Smallville) le tout est désespérément plat, affreusement commun. Tout y est rationalisé, expliqué, démontré, réduisant d’autant le côté surnaturel en s’inscrivant dans un « sérieux » que le film ne peut paradoxalement jamais atteindre, de par sa nature même.

C’est l’autre limite, le manque cruel de mise à distance avec le sujet. Trop peu ou pas d’humour pour désamorcer une ambiance pesante et anti-optimiste, trop peu d’éléments formels originaux qui accrocheraient l’intérêt à défaut de nous happer dans le propos. Le film est littéralement en roue libre, emporté par ses effets numériques percutants mais trop présents, qui s’avèrent à la fin des fins étouffants à souhait dans un dernier affrontement qui s’essouffle dans ce maelstrom de pixels.

Qu’on s’entende bien, le film n’est ni mauvais ni désagréable, il est juste affreusement banal.

Aux motifs de grandes satisfactions on notera la performance de Michael Shannon, grand acteur trop peu connu, qui campe un Général Zod tout en nuances, captant l’attention en injectant un peu de poids dans un jeu d’acteurs au demeurant très plat (Russel Crowe fait du Gladiator, Kevin Costner et Diane Lane sont des Kent 5 étoiles sans intérêt et Amy Adams ne pénètre jamais le personnage de Lois Lane, quand bien même le film ne lui laisse pas beaucoup de place pour s’exprimer)

Pour ce qui est de Henry Cavill (l’excellent Duc de Suffolk dans la série « Tudors »), il rentre plutôt pas mal dans les collants de l’homme d’acier, bien placé entre l’adulte Christopher Reeve et le trop juvénile Brandon Rough.

Difficile d’en dire plus tant le personnage est peu développé en 2h30 de pellicule…

Bryan Singer avec son Superman Returns s’était inscrit dans la continuité de la version initiée par Richard Donner, éminemment graphique, drôle et colorée, proche du comics originel mais avait échoué à retranscrire l’impression de puissance dégagé par le personnage, malgré une technologie désormais au point pour cela. Snyder y parvient au prix de tout le reste, effectuant un virage hyperréaliste qui n’avait pas lieu d’être avec Superman, si bien que celui-ci joue une partition un peu faussée, si ce n’est fausse.

Man of Steel, un popcorn movie comme les autres, ni meilleur ni moins bon mais sans ce supplément d’âme qui élève certaines autres productions au-dessus des chaînes de montages de l’industrie Hollywoodienne.
Tom_Bombadil
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le 22 févr. 2015

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Tom Bombadil

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