Propos liminaires



Double avertissement à mes aimables lectrices et lecteurs : ce texte est plus un avis argumenté, un genre de tribune, qu'une analyse critique. J'ajoute que des parties de l'œuvre vont être révélées. Et à l'attention des admirateurs du film : prière de bien lire ce qui est écrit avant de sauter au plafond, de bien respirer et de sourire avant d'écrire un commentaire si telle est votre intention, ce qui serait, quel qu'il soit, un honneur. Ceci étant écrit … feu !



Dernier Train pour le Ciné de Corée encensé



Après The Strangers et Dernier Train pour Busan, je me suis rendu hardiment en salle, voir ce qui est présenté de la part des critiques et d'une bonne part des spectateurs (7,9 sur ce site alors que j'écris ce billet) comme un des films de l'année. J'ajoute, pour être honnête, que j'ai toujours mon propre avis, même quand le vent souffle dans un sens. Froid ou chaud d'ailleurs. J'ai tenté en allant voir ce film, d'infirmer ou de confirmer, une bonne fois, mon impression des films coréens encensés ces dernières années qui me barbent fréquemment. Et même souvent. Eh bien Mademoiselle est la somme de tout ce qui est pour moi détestable dans le cinéma coréen de nos jours. De ce type de cinéma de coréen dont l'auteur d'Old Boy est le fer de lance.



Pervert Park



Tout d'abord, toujours la perversion. C'est elle qui attire le public adolescent je suppose et titille les plus vieux, comme un des personnage du film, au passage. Mise en abyme volontaire? J'en doute. Et si c'est le cas, elle est très appuyée. Jusqu'au grotesque alors que le sujet appelle plus de finesse. Mais c'est pas le truc de M. Park. Ce n'était pas déjà son truc dans Old Boy. D'ailleurs peut-être qu'au fond ce côté grotesque est-il fait exprès ? En regardant d'autres films coréens de cette année, il apparaît que non. J'avais déjà cette impression de guignol maladroit dans le cas dans un film comme The Strangers cette année, doublé par le kitsch de Dernier Train Pour Busan. Un style cinématographique coréen en dernière instance.
Il y a aussi une autre forme de perversion qui est imposé au spectateur, un peu comme celle de Kechiche pour La Vie d'Adèle ou plus anciennement Blow Up : celle du réalisateur. Rien de plus ennuyant pour ma personne que de voir un réalisateur étaler sa propre obsession obscure sur le grand écran. De longues minutes de sexe lesbien nous sont montrées pour une raison qui m'échappe encore car ceci n'ajoute rien à l'intrigue ou à la définition des personnages. Mais si cela plaît tant, peut-être que des gens sont fascinés comme lui … Soit. Fait-il, là aussi, une mise en abyme, lorsque la Mademoiselle fait la lecture à des auditeurs médusés ? Il y a t-il un message aux gens dans la salle ? Si c'est le cas, je rappelle que dans les salles, il n'y a pas exclusivement que des hommes. Dans le registre de la perversion, le plus gênant, c'est que le film ose citer Sade ! Mais n'est pas Pasolini qui veut.



Castrations



Ici nous avons droit à un mélange entre la belle pièce de Jean Genet, Les Bonnes, et l'effroyable film de David Fincher, Gone Girl. Même genre de vison déplorable des femmes (et des hommes), même genre de coups de théâtres à la noix que ce dernier. Je sens bien que beaucoup vont se réjouir du pouvoir qu'obtiennent au final les femmes mais c'est en étant deux pervers sociopathes qu'elles le prennent. J'espère que des féministes éclairés sauront voir l'arnaque dans ce film comme cela avait été le cas pour Gone Girl. Et les autres aussi d'ailleurs.
La bonne vieille problématique du faussement subversif, du faussement sulfureux. Alors que Salo perturbe toujours et fait encore sortir les gens des salles, Mademoiselle est un joli produit de consommation pour la croisette. C'est parce que sur le fond il est gentil avec tout le monde, il va tranquillement dans le sens du vent. Facile finalement, d'atteindre ce statut, avec un fond aussi peu dense, on est forcément plus léger. Alors que le film de Pasolini, lui, symbolisait notre société avec sa domination des classes aisées, politiquement bourgeoises en grande partie, sur ceux qui paient de leurs vies, leur propre prison. Jusqu'aux enfants. L'énorme problème de ce film, et plusieurs autres venus de Corée du Sud, est qu'il ne semble représenter, symboliser rien. Sauf sa propre vanité et vacuité.



Les autres travers de Park



Détail gênant suivant : la xénophobie avérée des films coréens envers les Japonais, leur ennemi de toujours, est aussi lassante que de voir des nazis dans tous les films d'action américain, que ce soit les vrais ou des ersatz. Et bizarrement toutes les critiques positives semblent facilement le pardonner. Ou ne pas le voir. Apparemment faire ça avec les Japonais, ça passe …
Sur le plan formel on atteint des sommets. Le film est plus américain qu'un vrai film américain et nous tient par la main de bout en bout en prenant le soin de bien nous marquer première partie, puis deuxième ET troisième à l'écran. Là encore la subtilité n'est pas un plat coréen. Surtout que la deuxième partie est une relecture de l'histoire du point de vue de l'autre personnage principale féminin, qui aurait pu être largement allégée. Mais non, la réalisation aime trop les longues scènes erotico-vulgaires, cadrées de manière finalement académique, pour couper intelligemment dedans et remettre du soufre, du souffle et du mystère là où elle essaie d'en mettre sans succès par le biais des ficelles du scénario principalement.
Le film aurait pu être beau, certes, mais en fait, il fait le beau. Quelque chose semble manquer. Ou est-ce tout simplement que cette année il y a déjà eu le magnifique The Assassin et que ce film de pervers fait pâle figure face à lui ? Peu m'importe finalement. Heureusement que je suis allé voir Tu ne Tueras Point juste après pour me réconcilier avec le cinéma.


Je ne sais pas pourquoi tant de gens s'emballent pour ce film qui est pour moi révoltant, lent, répétitif, tape-à-l'œil, faiseur et sans génie, mais j'avais eu déjà cette impression avec les films cités plus haut. A une différence près : Mademoiselle est le pire, et de loin. Une chose est positive pourtant : cette fois-ci, c'est sûr, on ne m'y reprendra pas. Avant longtemps.

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le 22 nov. 2016

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Fiuza

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