Western urbain aux contours horrifiques, Mad Max a marqué son temps, comme bon nombre de films de 1979, Alien en tête.Et, comme Alien, il cherche à réinventer son matériau. Mais a contrario d'Alien, il le fait bien mal ...


Cela est sans doute dû à ses faibles moyens: quoi de plus beau, finalement, qu'une équipe d'amateurs, qu'une bande de copains, les étoiles plein les yeux, avides de partager leur univers sombre, dérangé, post-apocalyptique ? Quoi de plus impuissant à le faire aussi ? Où sont ces déserts dont on nous rabâche les oreilles afin de nous faire découvrir à notre tour cette anticipation délicieusement accusatrice, cette fille qu'auraient eue ensemble le western urbain et le road movie ? Quid de cette apocalypse quand on croise des pompistes au présent de l'indicatif, quid du désert qui en résulte quand on traque une femme dans les bois à la façon d'une scène de Moonraker ... sorti, lui aussi, en 1979 ?


Ce qui gêne à tort de nombreux spectateurs, c'est cette volonté géniale de bousculer la temporalité narrative usuelle pour surprendre. Ainsi, l'évolution du héros aura la dynamique du yoyo pour se fixer en fin de métrage sur celle, sombre mais partielle, attaches obligent, déjà présente en début de film : Mad Max est une force qui va mais que retenaient ses murs porteurs, désormais brisés. A cette fin, la mort du Gorille, collègue de Max, intervient plus tard que prévu, les morts de sa femme et de son enfant à l'origine de la vengeance sont retardées et la vengeance ne s'exerce que dans un ultime et bien court quart d'heure ...
L'idée était sans doute une fausse bonne idée. Le mariage slasher et science fiction d'Alien remportera plus et mieux le suffrage.


Outre les nombreuses cascades et poursuites en voitures, le vrai plus de ce premier volet de saga est la construction d'un héros, dont on sent qu'il évolue dans un monde qui n'est pas encore à sa hauteur. Le film invite à en voir plus avec la suite et avec plus de moyens au compteur.
Pourtant, il dispose déjà de l'excellente interprétation de Mel Gibson, aussi distinct de celui qu'on connaît que ne le paraissent tous les acteurs campant un héros qui naît avec eux: le Han Solo de la trilogie mère de Star Wars et Harrison Ford, le James Bond de Sean Connery, par exemple. Mel Gibson est Max, cowboy du futur, les yeux bleus, les cheveux noirs, tout de cuir noir, fusil à pompe au poing. Pas l'Arme Fatale, pas, l'Oiseau sur la branche. Ou du moins, pas encore. Max, just Max.
Ce premier Mad Max jouit aussi et surtout de sa belle inspiration du fantastique horrifique digne de la Hammer, avec son éclairage rouge suspiria, sa main amputée, son incroyable don de la suggestion. Fascinante inspiration de l'épouvante et de l'horreur qui trouve son summum dans la scène en voile de Timante où Mad découvre le corps calciné de son collègue à l'hôpital, que dissimule un drap-linceul, et qui s'écrie, le regard plongé dans le pourpre du déni indigné et de l'effroi stupéfié que la charogne qu'il vient de voir n'est pas son collègue.


Pourtant, que de défauts, même pour un film que l'on sait amateur mais qui souhaite jouer dans la cour des grands !
Une longue heure et demie, conséquence de sa tentative d'innovation, comme dit précédemment.
Mais plus encore !
Pour être, lui aussi, suggéré - ce qui ne le rend pas moins intéressant pour autant - le monde de Mad Max n'est pas vraiment post-apocalyptique. Il tient plus certainement d'Easy Rider, de Duel ou d*'Hell Ride*. Il semble bien de notre temps, pas futuriste pour un sesterce, et n'acquiert ce statut que tous lui donnent sans doute avec le second volet.
L'autre défaut réside dans les antagonistes !
L'Aigle de la route, qui cause tant de troubles lorsque s'ouvre le film, forme avec sa copine l'équivalent du couple de braqueurs ridicules, Tim Roth - Amanda Plummer, de Pulp Fiction. On parle d'une terreur, qui provoque les forces de police, qui met l'ensemble des policiers hors-jeu et qui finit en sortie de route parce que la simple vue de Mad Max le fait pleurer comme un gosse apeuré et rend flou son champ de vision.
Il n'est pas rattrapé par ses vindicatifs frères de volant qui, s'ils impressionnent un peu au début deviennent vite aussi grotesques mais moins charismatiques que la bande de punk du Gaffeur, sympathique petite comédie de 1985 avec Jean Lefèbvre et Jean Roucas. Certes, ils poussent des cris d'animaux, semblent revenus à l'état sauvage, font même preuve un moment donné d'un impensable ubiquité, mais ils ne parviennent pas à convaincre, leur chef en tête qui - comme on peut le lire dans une autre critique - fait effectivement penser à Philippe Katherine.
Et dire que Permis de tuer cherchait à se mettre à la page d'une nouvelle ère du cinéma entrouverte par Mad Max ! Il suffit de comparer les deux séquences de poursuite finale pour se rendre compte que 007 dépasse haut la main son modèle ! Où sont ces explosions, ces routes en feu censées caractériser l'univers novateur et spectaculaire de Mad Max ?


Mad Max n'est pas un mauvais film, c'est un film un peu long compte tenu de ce qu'il raconte et qui souffre de son statut de légende. Un statut de légende qui l'élève au pinacle et crée une attente démesurée pour le spectateur naïf qui l'aurait déjà lu au travers du récit des spectateurs connaisseurs et passionnés.
A voir en oubliant les louanges à son égard.


[6 ♥]




Mad Max premier du nom prend de la valeur après avoir vu le second Mad Max, Le Road Warrior et éventuellement ses suites.
Non que celles-ci lui soit inférieures, au contraire. Mad Max premier du nom acquiert seulement ce sentiment de fin d'un monde qui nous est plus familier où germe déjà celui, très différent, que peindront l'ensemble des suites.
Il s'agit donc d'un film de fin de notre monde qui prépare le terrain pour le suivant. C'est du moins une lecture que l'on peut faire qui donne d'autant plus d'intérêt à cet électron libre.


[8♥]

Frenhofer
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le 16 mai 2019

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Frenhofer

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