Lux Æterna
6.5
Lux Æterna

Moyen-métrage de Gaspar Noé (2019)

Trouble antéchristique ( version 66 )

Avertissement ! La critique qui suit concerne la version-surprise du dernier moyen métrage de Gaspar Noé présentée en séance spéciale à la XXVIème édition de l’Étrange Festival de l'année 2020 ; elle explore notamment les quinze premières minutes dudit programme qui - visiblement - constituent un court métrage indépendant de Lux Æterna intitulé The Art of Filmmaking . Nous déconseillons vivement aux lecteurs de ces lignes vierges de toute image de poursuivre le texte qui se présente ici et maintenant, les invitant fortement à découvrir et à éprouver le film sus-cité au préalable...


Lux Æterna + The Art of Filmmaking ou la sorcellerie à travers les images... Incarné par Béatrice et Charlotte, incanté par Gaspar et hérité de Carl, de Rainer et de Jean-Luc - entre autres choses. 67 minutes de pure(s) texture(s) visuelle(s), amorcées par un segment essentiellement stroboscopique revisitant un incunable filmique réalisé par Cecil B. DeMille et préfacé d'une citation de Dostoïevski prônant les chocs épileptiques comme autant d'extases instantanées. Quinze minutes de formes multicolores au diapason d'une bande sonore gutturale, évoquant directement les travaux expérimentaux de Paul Sharits ; distorsions visuelles et acoustiques, agression permanente suscitant l'altération des consciences cinéphiles : bienvenue dans The Art of Filmmaking, mise en abyme psychédélique des magies noires et blanches du Tout-Septième Art, projet arty et dernière proposition de cinéma du réalisateur de Love et de Climax...


Film plastiquement ahurissant et de forme tour à tour composite et très aboutie Lux Æterna est un objet étrangement théorique, jouant de sublime et de grotesque dans le même mouvement d'agitation violente et turgescente. Gaspar met en abyme le cinéma et ses moyens, nous plongeant sans ambages dans le tournage d'un curieux film de sorcières parasité par les frasques et les humeurs d'une Béatrice plus caractérielle que jamais ; à ses côtés Charlotte, prise sous son aile de corbeau, joue superbement de sa retenue tout en rappelant de manière évidente ses apparitions répétées chez notre bon vieux Lars. Multipliant les formats, les supports et les registres ledit moyen métrage use de ses points de vue avec une virtuosité quasiment inespérée : tout, dans ce faux-making of acidulé, n'est que pure et simple comédie littéralement mise en scène et - de fait - forcément re-présentée.


Béatrice est étonnante, à la fois excessive mais souvent juste, dirigeant avec impulsivité son tournage dérapant pas à pas vers le chaos-maître ; Charlotte, joliment réservée, est comme toujours incroyable de naturel. Gaspar perpétue l'héritage kubrickien en nous servant pléthore de passages obligés du grand répertoire musical ( Mahler et son Adagietto lyrique, Saint-Saëns et son Carnaval animalier, Haendel et sa célèbre Sarabande, Verdi et son tonitruant Requiem...). Non exempt de défauts ni de maladresses Lux Æterna brille de ses nombreuses aspérités et de ses formes anguleuses, de son incessante science du cadre et de sa débordante énergie. Nouveau film-collectif celui-ci prolonge le vacarme spectaculaire du précédent Climax, chef d'oeuvre explorant avec une finesse inattendue les affres de l'hystérie groupale. Une expérience définitive.

stebbins
7
Écrit par

Créée

le 12 sept. 2020

Critique lue 1.6K fois

9 j'aime

4 commentaires

stebbins

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

9
4

D'autres avis sur Lux Æterna

Lux Æterna
Moizi
8

Le goût du chaos au petit matin...

J'aime vraiment beaucoup Gaspar Noé, j'ai l'impression qu'il fait des films de plus en plus foisonnants, où il se passe de plus en plus de choses, qui veulent dire de plus en plus de choses et qui...

le 10 janv. 2021

56 j'aime

5

Lux Æterna
titouan_
10

Avis sur : Lux Æterna

Le chaos règne. Gaspar Noé s’installe, petit à petit, en cinéaste du chaos, et Lux Æterna, son dernier film en date, ne déroge pas à la règle. En fait, ce moyen-métrage pourrait être vu comme le...

le 30 mai 2019

53 j'aime

2

Lux Æterna
mymp
7

Devine qui vient flasher ?

Forcément, quand trois personnalités aussi atypiques que Dalle (plus rock’n’roll tu meurs), Gainsbourg (complètement maso chez von Trier) et Noé (chamboule tout du cinéma français) décident de faire...

Par

le 25 sept. 2020

23 j'aime

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

26 j'aime

5