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Fred et Renée habitent dans une immense demeure moderne à Los Angeles, et les rapports du couple sont aussi froids que l’intérieur de la maison. Dénuée de toute touche personnelle, se contentant du strict minimum, cette maison blanche, moderne, glaciale et aseptisée est à l’image d’un couple qui ne se connait plus, qui parle pour ne rien dire. La sexualité du couple est appréhendée à travers un filtre opaque, extrêmement froid. Les corps bougent mécaniquement, symbole d’une absence de plaisir. Le seul détail charnel qui vient rompre l’artificialité du rapport sexuel est la poitrine de Renée qui bouge selon les coups de reins de son mari, comme ce qui reste d’un désir éteint.
Un jour, le couple reçoit une cassette, déposée devant leur maison. Le contenu de cette dernière n’est autre que la façade de la maison, filmée par un caméscope. Les jours qui suivent, d’autres cassettes sont déposées, qui filment le lit conjugal, jusqu’à la dernière qui montre l’atroce spectacle de Fred massacrant sa femme.
La succession des images montrées par les cassettes crée une tension qui ne fait que s’accroitre, une sensation d’oppression malsaine se dégage, renforcée par la dialectique des fenêtres, multiples dans cette maison sans âme, qui donnent l’impression constante d’être observé et qu’un danger est imminent.
Un homme mystérieux et inquiétant, ami de "Dick laurent » dont on apprend la mort au début du film, est rencontré par Fred à une soirée juste avant qu’il ne tue sa femme. Ce dernier prétend être « invité » dans la maison de Fred, et s'y trouver à l'heure actuelle. Ce dédoublement des corps annonce l'irruption du fantastique et du mystère dans le film.
Premier réflexe, l’associer à ce mystérieux voyeur qui filme la maison du couple.
A partir de ce moment, tout devient bien plus énigmatique.
Fred se retrouve en prison pour le meurtre de sa femme, dans le couloir de la mort.
Une nuit quelqu’un d’autre l’a remplacé dans sa cellule. Il s’agit d’un jeune américain de 24 ans, nommé Pete.
Ici une autre histoire commence, celle de Pete, faisant de nombreux échos à celle de Fred. Renée est remplacée par Alice, son double peroxydé, et Dick Laurent devient Mr Eddy, un mafieux ultra violent.
Dès lors, le film fait l’effet d’une boucle et l’on perd tous nos repères. Quelles sont ces deux réalités ? Sont-elles liées ?
Le plus logique serait de penser que Fred est atteint d’un délire schizophrène juste avant le choc de la chaise électrique, suggéré par les nombreux éclairs qui ponctuent les scènes, leur conférant une atmosphère pour le moins cauchemardesque et irréelle. La frontière entre réalité et cauchemar est à peine discernable, tout se mélange. La fin et le début sont identiques. On se demande réellement ce qui a changé dans le film. Dick Laurent meurt à la fin, comme il meurt au début.
Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’essayer de faire une chronologie du film tout simplement parce qu’il n’y en a pas et c’est bien ce qui fait sa magie.
Lynch propose une réelle expérience entre deux mondes et deux réalités qui se confondent, qui se recoupent et qui appréhendent les personnages sous un angle déformant.
Les images, les musiques, mais encore l’incroyable pluralité et diversité des plans créent un long métrage obsédant empreint d’une tension latente qui peine à être retenue. La déferlante d’images, de symboles crée un film à énigme auquel une réponse triviale et cohérence ne suffit pas. Lynch va plus loin. Qui est cet être mystérieux, monstrueux armé de la caméra ? Il est volontairement invité par Fred dans sa maison, mais aussi et surement dans ses pensées, spectateur et même voyeur de ses pulsions de violence et de mort.
Ses apparitions sont brèves mais structurent tout le film, si tant est qu’il existe une structure.
Alice et Renée sont des personnages communs aux deux mondes, et convoquent le même imaginaire mystique de la sirène ou de la femme vampire.
Alice vengerait Renée, brutalement assassinée par Fred dans une réalité difforme. Cette dernière, irrésistible, séduit Pete et lui propose de s’enfuir avec lui. On se croirait dans une love story hollywoodienne où les deux tourtereaux fous amoureux l’un de l’autre fuient le méchant mafieux. Dans leur fuite effrénée, les deux amants rejoignent une baraque dans le désert et font l’amour sur le sable, à la lumière des phrares de voiture. Cette scène se veut menaçante, avec une lumière froide, dénuée de toute passion un peu à la manière de Renée et Fred. Alice possède Pete et lui rappelle qu’il ne l’aura jamais, avant de fuir pour toujours. Alors les mondes s’échangent, la réalité mute et Fred est de nouveau présent, après un énième éclair qui transcende l’écran.
« Dick Laurent is dead » : la boucle temporelle et atemporelle recommence.
Lost Highway est un film obsédant, qui nous plonge dans un monde aux réalités multiples qui s’entrecroisent et qu’aucun schéma temporel ne peut élucider. C’est un réel chef d’œuvre de la mise en scène, questionnant le désir, sa réalité, les rapports entre les humains mais encore l’ici et maintenant de notre être et les expériences limite.
N

NCiné
9
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le 1 mars 2022

Critique lue 84 fois

NCiné

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