Dans l'idéal, il faudrait pouvoir découvrir Long Weekend aujourd'hui sans avoir le cerveau encrassé par une production cinématographique, bien souvent douteuse, qui exploite, jusqu'à plus soif, le thème de la "nature rebelle". Car si cet ensemble hétéroclite recèle quelques grands films (Les dents de la mer) et pas mal de nanars destinés à un public de connaisseur (L'Attaque de la pieuvre géante, du crabe géant, des sangsues géantes et autres joyeusetés), bien souvent on tombe sur des films d'une infinie tristesse comme en témoignent les pathétiques Phénomènes ou Long weekend version 2009.


Essayons donc d'oublier ces sempiternelles histoires où l'animal est un monstrueux monstre et où l'homme est bien souvent une pauvre victime, afin de pouvoir profiter au mieux du vent de fraîcheur amené par le film de Colin Eggleston. Issu d'une douce époque aujourd'hui révolue, celle de la Ozploitation, ce film compense son statut de série b en se montrant malin et imaginatif, tant sur le plan du scénario que de la mise en scène, afin de traiter, avec une certaine finesse, un discours écolo qui pourrait vite tourner à la naïveté extrême (La Belle Verte). S'il s'inscrit incontestablement dans le registre du film d'horreur, Long Weekend va se faire un malin plaisir de transcender les codes préétablis, allant même jusqu'à flirter impudiquement aussi bien avec le fantastique, le thriller psychologique et le survival. De ce fait, c'est avant tout un film bâtard, indéfinissable, qui risque fortement de déstabiliser les amateurs de film d'horreur pur et dur : si on retrouve bien un cadre et des éléments propres au genre (personnages isolés, danger surnaturel, musique anxiogène, etc.), le reste du film est surtout caractérisé par des absences ou des manques : absence de monstres, de tueurs, d'hémoglobine ou de véritables enjeux dramatiques. Pour résumer, Long Weekend va reprendre les stéréotypies du film d'horreur afin de les détourner de leurs fonctions premières, afin de ne rien nous montrer. Et ça, c'est drôlement malin !


Ne pas nous montrer d'où peut provenir le danger, ne pas nous donner d'explications, est sans doute le meilleur moyen pour maintenir, jusqu'au terme de l'histoire, un climat anxiogène à souhait. Colin Eggleston va ainsi jouer avec les prérequis du spectateur en matière de film d'horreur afin de faire naître en lui un sentiment de doute voire de suspicion : ce sont par exemple des indices faussement anodins, provenant d'une radio ou d'un flash info, qui vont évoquer la question extraterrestre ou la menace nucléaire, ou ce sont également des éléments mystérieux qui font échos aux classiques de l'horreur (cris ou bruits étranges, événements inexpliqués, ou encore présence d'une masse sombre dans l'eau rappelant le requin de Spielberg). Devant ce foisonnement d'éléments, de pistes qui se dérobent aussi vite qu'elles apparaissent, le spectateur se sent rapidement perdu, allant même jusqu'à douter de la véracité de toute cette aventure : les événements mystérieux, qui frappent le couple de protagonistes, ont-ils une cause surnaturelle ou sont-ils le fruit de leur imagination ?


Le doute est permis, d'autant plus que Colin Eggleston a le bon goût de ne pas négliger la psychologie de ses personnages : relation difficile au sein du couple, non-dit, frustration sexuelle, sont autant de problèmes qui vont être évoqués finement durant tout le récit et qui vont trouver une certaine résonance avec les tourments de dame nature. En ne donnant aucune explication, en jonglant continuellement entre causes surnaturelles et psychologiques, Eggleston parvient admirablement à faire passer un message écolo tout en évitant de tomber dans une démarche simpliste ou caricaturale.


Les limites du film, quant à elles, sont réelles et on peut regretter que certaines situations ne soient pas davantage approfondies et, surtout, que le couple de protagonistes soit autant antipathique. Difficile en effet d'éprouver un tant soit peu d'empathie pour un tel couple de crétin, même si je reconnais que tout cela n'est que purement subjectif. Malgré tout, pour une série b, Long Weekend s'avère être un véritable film d'ambiance où le danger lattant et l'angoisse omniprésente sont distillés avec talent. Le travail sur les sonorités (bruits, craquements, cris ou "pleurs de bébé") ainsi que les idées de mise en scène traduisant l'oppression (gros plan sur des insectes grouillants, pourriture surgissant subitement...) vont nourrir admirablement l'ambiance anxiogène. Le pouvoir subjectif des images est parfaitement exploité : de simples abeilles, ou une inoffensive baleine de mer, se transforment soudainement en "monstres effrayants". C'est la nature elle-même qui se dote d'une dimension surnaturelle.

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le 25 nov. 2022

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Procol Harum

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