Comment le style clinique et peu générateur d'émotions de Jessica Hausner allait-il s'acclimater dans un scénario de science-fiction, genre que la cinéaste autrichienne n'avait pas pratiqué jusqu'alors ? La réponse donnée par Little Joe surprend peu quand on a vu ses précédents films mais ce n'est pas pour autant qu'elle est dénuée d'intérêt, tout au contraire. L'histoire de ces fleurs génétiquement modifiés et de leur pouvoir sur les humains pourrait être un épisode de la Quatrième dimension et a même quelque chose à voir avec la célèbre série Les envahisseurs. L'atmosphère générale de Little Joe est très particulière, oppressante et douce à la fois, admirablement orchestrée par une mise en place visuelle très travaillée de même que le climat sonore avec sa musique dissonante et japonisante. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme, cette citation du bon vieux Rabelais est illustrée dans le film avec un humour à froid assez monstrueux et typique de la réalisatrice (on n'ose dire à la manière autrichienne mais il ressemble à celui de Haneke ou de Seidl). Dans cette espèce de fable ou de cauchemar climatisé qu'est Little Joe, certains verront sans doute un côté grotesque et affecté mais c'est précisément ce que vise Jessica Hausner dont le cinéma est toujours dans la rupture d'équilibre et dans une ambigüité déstabilisante. Formidable en tornade rousse dans Daphné, Emily Beecham a remporté le Prix de la meilleure interprétation à Cannes et la récompense est amplement méritée. Son jeu subtil et sans effets se marie parfaitement bien à une mise en scène soyeuse qui privilégie les lents travellings.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Au fil(m) de 2019, Les meilleurs films de 2019 et Mon Festival de La Rochelle 2019

Créée

le 4 juil. 2019

Critique lue 479 fois

4 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 479 fois

4

D'autres avis sur Little Joe

Little Joe
Rolex53
6

Parfum Sauvage

C'est un beau film, plein de nuance très effrayante, avec une Actrice Emily Beecham remarquable, dans un rythme lent, idéal pour la pousse de cette jolie fleur, dont-ils ne se sont pas assez méfié,...

le 24 déc. 2020

14 j'aime

Little Joe
Electron
7

Oh happy days !

Alice (Emily Beecham) travaille dans le laboratoire d'une entreprise qui fournit des plantes très travaillées à des établissements qui ne manquent certainement pas de moyens financiers. Concrètement,...

le 9 août 2019

11 j'aime

1

Little Joe
Jduvi
7

Paradis artificiel

Ce qui frappe en premier lieu dans Little Joe, c'est le jeu sur les couleurs. On peut adorer ou détester, mais il y a là incontestablement un part pris esthétique, ce qui, pour moi, est toujours le...

le 16 nov. 2019

9 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

75 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13