S'il existe bien une œuvre qui n'a pas démérité son statut d'œuvre culte, c'est bien The Honeymoon Killers. Entendons-nous bien, même si je considère le film dans son ensemble plutôt moyen, ce qui frappe avant tout c'est son aspect unique. J'ai beau chercher, je ne lui trouve aucune filiation directe dans l'histoire du cinéma et rien que pour cela, sa réputation est méritée.
Sa première originalité, et pas des moindres, c'est qu'il représente l'unique réalisation du dénommé Leonard Kastle. L'homme, compositeur d'opéras, se retrouve propulsé derrière la caméra, un peu par hasard, après l'éviction, notamment, du jeune Scorsese. Mais c'est surtout dans sa volonté d'être l'antithèse parfaite du modèle hollywoodien que le film va puiser toute sa singularité : personnages anti-glamours, récit donnant l'impression d'être compté en temps réel, esthétisme proche du néo-réalisme ou encore mise en scène qui flirte aussi bien avec l'amateurisme que l'expérimentale, sont autant d'éléments qui lui confèrent une place à part dans le monde du cinéma. Sur le plan thématique, l'audace est également au rendez-vous. Le film arrive, par une économie de moyens remarquables, à associer les thèmes de la passion amoureuse avec ceux de la folie destructrice et malsaine, tout en faisant constamment osciller son histoire entre drame psychologique et film noir. Seulement, toutes ces bonnes intentions ne sont pas grand-chose s'il n'y a pas un minimum de savoir-faire pour pouvoir les développer à l'écran. Et c'est bien à ce niveau que le bât blesse : il manque un véritable scénariste pour étayer davantage les situations et les personnages, il manque un réalisateur avec une vraie vision d'ensemble pour qu'il puisse pousser un peu plus loin son sujet.
Le plus frustrant demeure le traitement de l'histoire d'amour qui unit les deux principaux protagonistes : dès son apparition à l'écran, le couple Martha/ Ray détonne totalement avec nos représentations cinématographiques en la matière. Loin des personnages glamours, héroïques et romantiques à la Bonnie & Clyde , nos deux tourtereaux s'apparentent davantage à des "freaks", cupides, violents et un peu frappadingues. Martha, l’obèse, et Ray, le gigolo, ne semblent pas faits l'un pour l'autre et pourtant c'est bien une "love story" qui se dessine en filigrane de leurs exactions criminelles : au début l'entente n'est que sexuelle, puis devient vite criminelle avant de laisser transparaître une vraie liaison sentimentale : l'apparition d'une nouvelle victime vient engendrer un triangle amoureux morbide au sein duquel la détresse sentimentale de Martha devient de plus en plus grande : l'amour fou prend alors tout son sens. Dommage donc que The Honeymoon Killers ne se contente que d'en esquisser les grandes lignes.