Première réalisation pour un jeune cinéaste français, Les Survivants promet une aventure aussi fortuite que douloureuse dans les Alpes franco-italiennes, loin des Hommes et sous tension. Un premier essai qui a tout pour plaire, avec un duo d’acteurs prestigieux et un sujet intéressant et important à traiter.


Les premières images d’archives qui initient le film veillent à installer le récit dans une réalité bien palpable, celle de l’arrivée de réfugiés sur le sol italien, et les interventions des forces de police qui cherchent à réguler cet afflux. L’image devient alors plus nette pour nous faire vivre cette descente en plan-séquence, une entrée immersive dans le vif du sujet qui vient d’emblée suggérer une appartenance au genre policier. Là, tout n’est que cris et souffrance, où se confondent les hurlements des policiers qui chargent, et ceux des réfugiés désorientés et paniqués. Pendant ce temps, Samuel, veuf, s’occupe seul de sa fille, cherchant de nouveaux repères, se reconstruisant physiquement, se murant dans un silence introspectif en attendant de retrouver la lumière.


En croisant par hasard les destins de cet homme seul et de cette réfugiée afghane, ayant échappé à la descente du début du film, Les Survivants va développer tout son discours sur le rejet de l’étranger, la montée des nationalismes en Europe, et sur la solitude. Parmi les nombreuses possibilités qu’offrent ce sujet, Guillaume Renusson va choisir un mélange de western, de film d’aventures et de survival. En choisissant d’aider Chehreh, la réfugiée, Samuel prenait déjà un risque, mais c’était sans compter un environnement plus hostile que prévu, dans lequel résonne un « on est chez nous » qui avait de quoi déjà donner quelques indices.


Ce parti-pris confronte Les Survivants aux dangers du manichéisme, devant forcer certains traits pour attiser la colère du spectateur, et susciter davantage d’empathie à l’égard des deux fugitifs. On pourrait ainsi reprocher cette caractérisation forcée, presque caricaturale, qui se justifie toutefois par une volonté d’illustrer une forme de perversion des esprits, une vision de l’immigration comme source de tous les maux de notre monde moderne, à laquelle le cinéaste répondra par l’intermédiaire de Samuel avec un « Vous avez rien d’autre à foutre ? » Au fil de leur périple, Samuel et Chehreh accumulent les stigmates de cette épreuve dont la liberté doit être la récompense, la liberté de vivre, et aussi l’affranchissement des tourments de passé, l’accomplissement d’un deuil inachevé.


Les Survivants est un premier film convaincant, se déroulant dans un décor splendide où règne souvent un silence accablant, permettant d’accroître la sensation d’isolement, et de ramener les personnages à leur échelle. Denis Ménochet, imposant et taiseux, trouve encore un rôle à sa taille, qu’il porte parfaitement, constituant l’un des points forts du film, confirmant également que la montagne et l’hiver ne lui réussissent vraiment pas, après Seules les bêtes et As Bestas. A ses côtés, Zar Amir Ebrahimi, lauréate du Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes pour Les Nuits de Mashhad, l’accompagne à merveille, sa fuite dans le film pouvant faire un lointain écho à son véritable exil de son pays natal, l’Iran. Des reproches peuvent être faits aux Survivants, mais l’intensité qu’il est capable de fournir et les parti-pris affichés lui confèrent une réelle efficacité, magnifiée par une mise en scène soignée, au cœur de ces immenses étendues enneigées.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

Créée

le 7 janv. 2023

Critique lue 76 fois

1 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 76 fois

1

D'autres avis sur Les Survivants

Les Survivants
Cinephile-doux
5

Une frontière à escalader

Ce qui est bien pour les cinéastes, avec Denis Ménochet, c'est qu'il n'y a pas besoin d'insister sur la psychologie du personnage qu'il interprète : cela doit être dû à son physique imposant mais...

le 25 août 2022

13 j'aime

Les Survivants
Sergent_Pepper
6

Du silence et des combes

Les attardés réactionnaires nous avaient pourtant prévenus : le cinéma français ne sait que parler des bobos parisiens et des migrants. Les Survivants coche la deuxième case, et en énervera plus d’un...

le 16 janv. 2023

12 j'aime

1

Les Survivants
Cinememories
6

Les revenants

La première réalisation fonce dans un tape-à-l’œil séduisant, notamment avec son cadre enneigé et tout un bétail d’humains, livrés à fuir pour mieux ressusciter. Guillaume Renusson soigne ainsi son...

le 5 janv. 2023

6 j'aime

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5