Akira KUROSAWA, un cinéaste dont l'immense filmographie ne cesse de me passionner, après ses peintures sociales telles L'Ange ivre (1948) ou Barberousse (1965), après ses fresques grandioses sur le Japon ancestral et ses adaptations de tragédies shakespeariennes, Ran (1985), La Forteresse cachée (1958) ou Le Château de l'araignée (1957) pour n'en citer que quelques uns, je découvre ici avec le même enthousiasme un nouveau pan de son cinéma, le film noir.


Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, le Japon alors administré par la puissance vainqueur les Etats-Unis, connaît une vague de corruption inédite dont les conséquences sur la société nippone se feront ressentir durant des décennies. A.K. s'empare de ce sujet brûlant pour en dénoncer l'impact ce faisant il délivre ici son œuvre la plus politique.


La très longue ouverture mettant en scène le mariage de la fille du président d'une société œuvrant dans le foncier avec le secrétaire particulier de ce dernier, ne manquera pas d'une part d'évoquer l'ouverture qu'un réalisateur n'ayant jamais fait mystère de son admiration pour le cinéma de Kurosawa, j'ai nommé Francis Ford COPPOLA et le film Le Parrain (1972). Cette longue ouverture a ici pour but de présenter au spectateur l'ensemble des éléments qui le conduiront à évoluer dans ce récit, d'en séparer les différents fils qu'il faudra tirer pour en démêler toute l'intrigue.


L'intelligence de la mise en scène qui en usant énormément de la profondeur de champ, permet dans un mouvement finalement assez statique, je n'ai pas dit immobile, mais défait d'artifices qui auraient dès lors alourdis le propos, de poser les jalons, on a la présentation des protagonistes, les liens qui les unissent, on a les faits a priori unitaires qui conduisent à soupçonner le fait de corruption que l'on pressent.

Des disparitions, des suicides, des enquêtes en cours etc.

Les pièces du puzzle sont étalées, dorénavant le reste du film s'attachera à les assembler pour qu'enfin l'image et donc la compréhension globale se fasse, et tout comme pour un puzzle nous savons grâce à l'image imprimée sur la boîte vers quoi le chaos apparent des pièces en vrac va nous mener, A.K. ne fait rien d'autre ici que nous confirmer par des liens ce que l'ouverture nous avait déjà dit et il le fait avec une maestria qui m'a enchanté.


Un regard occidental pourra être surpris, peut-être gêné, par le jeu très expressif des acteurs tous brillants, mais pour qui a déjà l'habitude de cette façon de jouer typiquement japonaise héritée du théâtre traditionnel ceci concoure au plaisir que l'on prend à voir ce film. Toshirō MIFUNE est une fois de plus flamboyant.


J'ai pour objectif de découvrir l'intégralité de l'œuvre de Akira Kurosawa, ma collection de DVD s'étoffe d'une autre merveille et même s'il m'en manque encore, chaque découverte confirme mon amour pour le travail de ce totem du cinéma japonais, du cinéma mondial.


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