Pour reprendre les mots de Begaudeau, j'aime quand un film m'invite à regarder quelque chose avec lui. Ici on regarde une partie oubliée de la Turquie à travers deux personnages.

Alors que beaucoup de critiques évoquent Samet comme une véritable ordure, difficile à suivre tant son comportement serait abjecte, moi je ne le vois pas ainsi. Je me reconnais partiellement dans son discours lors du dîner avec Nuray. C'est peut-être à cause de mon relativisme moral mais je retiens surtout son ambiguïté morale, il apparait bien plus crédible par ses faiblesses. Certes il justifie sa vie de merde par son lieu de vie alors qu'évidemment il provoque ce qui lui arrive.

Initialement, la pédophilie vient en tête entre l'accolade sur Sévim, le cadeau le regard appuyé en se retournant vers elle en allant voir le recteur (plus les plans sur les jambes des filles).

Mais déjà, il ne passe jamais à l'acte et n'a pas l'air dans une optique manipulatrice (bien que je l'ai cru quand il évoque son ancien amour pour sa prof), ce regard appuyé, il fera le même envers Nuray et sur la soeur de la fille qui prendra les bottes rouges. Ce qui est fou en revanche c'est à quel point il véhément quand on lui annonce qu'il a été dénoncé alors qu'on sait qu'il est coupable de ça. A savoir si il s'agit d'un jeu de rôle en milieu social ou d'une incompréhension de sa part. On se saura d'ailleurs pas si Kenan est lui aussi coupable mais dès qu'il en a eu l'occasion, il remettra la faute sur lui.

Sauf qu'il semble que se soit plus complexe que simplement une pulsion "vicieuse" comme en témoigne la voix off à la fin. J'ai vraiment du mal à déterminer ce qu'il voulait dire. Peut-être qu'il ne fait que réécrire son histoire et masquer ses crimes. J'ai du mal à imaginer une simple affection mal placée causée par ce qui m'apparait comme une subjugation irrationnelle envers Sévim. Sur le coup j'ai perçu cette "relation" comme la conséquence de l'isolement et de la rudesse du lieu, Samet se rattache à un genre d'espoir. Mais comme il justifie beaucoup de chose par son environnement, bon. Dans ce cas les vices de Samet seraient vraiment extremement bien dissimulés, peut-être même trop bien qu'il reste des indices : il veut faire s'excuser Sévim.

Bref je n'ai identifier ce personnage comme mauvais au visionnage mais il semble évident qu'il a été conçu pour l'être, c'est toute l'ambiguité morale qui renferme le coeur du film selon moi.

Et on prend le temps de la voir se developper, les scènes, très longues, laissent le temps aux personnages de se dévoiler, d'être réellement eux. Sembat alors se révèle ne pas être totalement mauvais : il peut développer de la compassion pour le type qui est parti et légère complicité avec Kenan en allant chercher de l'eau. Sans tout ce temps, la caractérisation de Sembat et de ce coin de la Turquie n'aurait pas fonctionné, n'aurait pas paru crédible.

ça me fait penser un peu à RMN dans l'aspect communauté isolée dans le froid présentant des personnages ancré dans le réel dans le froid. Ici on atteint pas de sommet comme le fu la scène du débat dans RMN mais la scène du dîner c'était quand même quelque chose.

D'abord le malaise profond du début puis la confrontation idéologique qui finit de révéler les deux personnages dans ce qu'ils sont profondément (Sembat apparait menaçant à certains moments) pour finir sur la capitulation de Nuray, le vide et l'irrespect de Sembat. Le plan où ils sont alignés à la verticale, quand la caméra passe derrière Nuray, c'était quelque chose.

Laiospeps
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le 30 juil. 2023

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