Pamphlet politique sur la survie de l’humanité, film d’anticipation dystopique, fin du monde annoncée, film de guérilla urbaine, cette œuvre est d’une profondeur de champ incontestable.Le coup de maître du film se mesure à plusieurs niveaux. Premièrement, par son récit qui mêle la petite histoire à la grande Histoire : là où l’avenir d’un seul être pourrait changer le sort de l’humanité. Dans une période dystopique où l’humanité se meurt, se déchire, par la guerre, le terrorisme ou les maladies, l’Homme est devenu infertile et court à se perte. Heureusement, une femme est miraculeusement tombée enceinte et devient un joyau qui se doit d’être protégé, caché des instrumentalisations et autres velléités politiques et gouvernementales. Surtout dans une société britannique militariste qui chasse et tue les migrants dans des « camps de concentration ».


De par son univers à la fois futuriste, presque post-apocalyptique sur certains plans, mais aussi très proche de la réalité dans laquelle nous vivons ou d’une réalité pas si lointaine, Les Fils de L’Homme nous permet de nous identifier très facilement à ce contexte social et sociétal mouvementé et en dégringolade totale. Derrière sa maîtrise formelle, qui est l’atout majeur du film et son épicentre cinématographique, le film arrive à tirer son épingle du jeu par l’intelligence de son propos et par sa capacité à traiter de nombreux sujets d’actualité avec pertinence (communautarisme, immigration, croyance en Dieu, liaison entre activisme et terrorisme). Comme The Handmaid’s Tale, adapté récemment en série, Les Fils de L’homme utilise le miroir d’une société d’anticipation pour mettre en exergue les problèmes auxquels nous devons faire face de nos jours.


Là où les riches sont isolés et indifférents aux pauvres, là où chaque religion crie son bien fondé à chaque coin de rue, là où le désert affectif est devenu une gageure, le tissu social s’est effondré dans ce monde futur, rendant chaque endroit potentiellement dangereux. Des films dystopiques, des œuvres proches de la science-fiction qui se réapproprient le présent, ce n’est pas forcément ce qui manque dans le paysage littéraire ou audiovisuel. Alors, pourquoi Les Fils de L’Homme est-il aussi impressionnant et mérite-t-il qu’on s’y attarde un peu plus ? Sa mise en scène tout en plan séquence. Au-delà de sa virtuosité, de la beauté de sa photographie grisâtre qui rend honneur à cet environnement en déliquescence, de ses nombreuses scènes de bravoure de guerre, l’utilisation même du plan séquence permet une immersion qui n’a pas son pareil.


Une cohérence entre le fond et la forme, qui permet au film de capter la puissance même de son sujet. L’urgence de la situation est admirablement bien retranscrite par cette réalisation qui joue parfaitement avec la notion de temporalité, et qui accentue encore la tension qui émane du récit. D’une histoire fictionnée, Alfonso Cuaron signe un pamphlet palpable, dessine une zone de guerre plus vraie que nature, comme si la caméra provenait d’une source amateure ou d’un journaliste en train de nous faire visionner un reportage de guerre. C’est de cette capacité à agripper le réel, à afficher un réalisme chorégraphié par le plan séquence, cette continuité sans relâche dans la construction du récit, que la mise en scène prend toute sa force. On ne demande pas forcément à une mise en scène qu’elle soit esthétique, mais qu’elle enrichisse l’œuvre : le film ne tombe jamais dans le vide, la mise en scène devient elle-même un réceptacle à l’information et au discours politique du film.


Article original sur Lemagduciné.

Velvetman
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le 23 oct. 2018

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Velvetman

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