Ce qui fait peu de doutes c'est que Kaurismäki a trouvé une forme et qu'il sait s'y tenir. C'est le deuxième film que je voyais de lui, j'ai eu l'impression que c'était le cinquième. Le problème ici c'est qu'il fait une confiance aveugle à cette forme et fait l'économie d'une mise en scène signifiante. J'ai lu ailleurs que c'était un film déclaratif, qui se contentait de montrer, et c'est vrai. Le film installe deux prolos, s'évertue à les montrer à la tâche, exploités par des connards de patrons. Mais jamais leur condition de salariés ne les affecte. Rien ne change quand ils se retrouvent au chômage. Elle se permet même d'adopter un chien.
Jamais non plus on ne comprend vraiment s'ils s'aiment. Le parti-pris d'un film quasi mutique me dérange pas du tout, ça marchait d'ailleurs très bien dans L'homme sans passé. Mais ça marche à condition de donner à voir quelque chose, plutôt que d'installer passivement des situations qui n'échouent sur rien. Et le film n'est pas bien meilleur quand il s'essaye ponctuellement à un humour de vieux pépère. On se contente de 2-3 tap-in, et c'est étonnant de réussir un film si peu marrant et à la fois si mécanique - en théorie, rien se prête plus à la drôlerie que quelque chose de mécanique. Il aurait fait se casser la gueule à un de ses personnages, gratuitement, n'importe quand, je pense que ça aurait marché. Mais il le fait pas, et tout reste très sage.
C'est pas que j'exige qu'un film me fasse rire, mais je trouve dommage que le mec arrive à produire un dispositif si prometteur et qu'il accouche d'un objet si prudent.