Aujourd'hui, une tragédie est définie comme la conséquence désastreuse d'un quelconque évènement ayant conduit inévitablement à des morts. Tout le reste, dans le cinéma, est une comédie dramatique. Valéria Bruni Tedeschi nous livre pourtant dans les Estivants une véritable tragédie. Une tragédie au sens antique ou racinien du terme. Une tragédie, ce peut être avec des vivants. Une tragédie ce sont des personnes empêchées, emprisonnées, ce sont des personnes condamnées à la souffrance, condamnées à devoir vivre dans la souffrance. Autant les domestiques, humiliés directement par le comportement de dénigrement de leurs employeurs et indirectement par le fait de devoir servir, obéir, à une telle sphère de névrosés, que la famille Bruni -ose t'on l'appeler sans trop de gène- alcoolique, complexée, égoïste et perdue.
Le film joue sur le gouffre entre la dolce vita dans une villa méditerranéenne, pleine de rosé et d'opéra et la profonde souffrance de tout les habitants de cette même villa. Gène qui fait qu'aucun nouvel arrivant ne peut y rester, accablé par la tristesse et la méchanceté qui habite chaque coin de marbre et d'eau turquoise de ce lieu.
La fille de Valéria Bruni Tedeschi est drôle, d'une immense tendresse, lorsqu'elle erre dans les jardins en robe de princesse et perruque blonde.
Les maux de Valéria -que l'on connait- reviennent : crise de foi, mal d'enfant, complexe de richesse, disputes de famille. Mais ce film est sans doute le plus autobiographique, Valéria ose montrer sa véritable vie, son véritable milieu, son -les autres films l'atténuaient toujours- extrème richesse. C'est sans doute le film le plus révélateur sur sa vie et celle des membres de sa famille, tout en montrant à l'image les réactions hostiles de ces mêmes membres au rendu publique de leur vies respectives.
Valéria se livre plus qu'elle ne l'a jamais fait, dans une tentative désespérée de trouver des explications, par la réalisation, au profond mal être qui unit sa famille et l'habite. Elle signe une des plus belles tragédies de ces dernières années.

CamilleGïoux
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le 20 juin 2019

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