Aux années 30 on associe souvent le swing, le jazz, les danses endiablées, une époque de strass, de paillettes, de beauté et d’élégance. Pourtant, en vérité, c’est une décennie de mélancolie et de difficultés sociales, succédant à la Prohibition, et surtout au krach de 1929. L’émergence des films noirs symbolise ce climat de malaise social, qui se caractérise entre autres par la dérive d’une partie de la population vers le milieu de la mafia. Mais cette décennie est également celle d’une jeunesse en proie à la pauvreté et à la violence de la crise, et c’est ainsi que William A. Wellman réalisé Les Enfants de la Crise.


A l’ère du Pre-Code, tout était permis, ou presque, un peu comme pour les personnages de ce film, des jeunes plein d’espoir et d’entrain qui veulent croquer la vie à pleines dents. Alors que la génération précédente connut plus ou moins la Grande Guerre, celle-ci doit subir de plein fouet les effets d’une crise à la violence inouïe. C’est dans ce contexte que des milliers de jeunes quittèrent leurs foyers pour tenter leur chance, accabler le moins possible leurs parents, et essayer de gagner de l’argent comme ils peuvent.


Pour son film, William A. Wellman choisit comme acteur principal Frankie Darro, 16 ans, déjà très présent dans le cinéma muet, et campant ici à merveille le rôle d’Eddie, avec une énergie très communicative qui rappelle une version rajeunie d’un certain James Cagney. Ce personnage précède d’ailleurs quelque peu celui de James Cagney, également prénommé Eddie, dans le futur Les Fantastiques Années 20 (1939) de Raoul Walsh, par son énergie, sa débrouillardise et sa volonté de s’en sortir. C’est ce qui se ressent tout au long du film, un optimisme caractéristique de la jeunesse, confronté à la morosité inéluctable et fatale d’un monde sans espoir.


William A. Wellman avait déjà fait de la fatalité le sujet de L’Ennemi Public (1931) avec, encore, James Cagney, en montrant l’enfoncement sans issue d’un jeune homme dans la pègre. Ici, la portée de son film est d’autant plus large qu’elle semble concerner le monde entier, où la crise paraît se présenter comme un phénomène peu perceptible, avant de se répandre comme une traînée de poudre et se muer en un véritable incendie qui entraîne tout sur son passage. La jeunesse est obligée de devenir hors-la-loi, de jeter des œufs sur les policiers, d’embarquer clandestinement dans des trains… Les Enfants de la Crise ne manque pas de passages marquants sur à peine un peu plus d’une heure de film.


Ce qui s’apparente à un très vieux teen movie, à une fable sociale et à un récit historique, permet de prendre conscience de la violence de la crise de 1929 et des peines subies par toute une génération. Débordant d’énergie, à la fois optimiste et fataliste, plein de séquences symboliques comme l’affrontement contre la police et la fuite dans le cinéma, Les Enfants de la Crise fait partie de ces films oubliés mais qui rappellent la puissance du cinéma et son rôle de témoin de l’histoire.

JKDZ29
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Vus en 2017 : Pérégrinations cinématographiques et Les meilleurs films de 1933

Créée

le 8 août 2017

Critique lue 183 fois

2 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 183 fois

2

D'autres avis sur Les Enfants de la crise

Les Enfants de la crise
Sergent_Pepper
8

Les raisins de la misère

3ème Festival Sens Critique, 2/16 On est souvent étonné de voir la fougue que contiennent les films des années 30, dans cet âge d’or entre l’avènement du parlant et avant l’arrivée du code Hays :...

le 17 juil. 2014

24 j'aime

2

Les Enfants de la crise
blig
8

Les pépins de la colère

Wild Boys of the Road est un film merveilleux. Dans l'Amérique des années 30 frappée par la Grande Dépression, de plus en plus de familles sont poussées dans la rue, contraintes à mendier, à se...

Par

le 10 déc. 2014

18 j'aime

9

Les Enfants de la crise
SapinBleu
8

Three For The Road

Wild Boys Of The Road est un formidable road-movie qui a pour principaux atouts un âpre réalisme et une mise en scène sans aucun temps mort. Les nombreuses scènes filmées en décor naturels (voies...

le 29 mars 2011

11 j'aime

1

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5