À la vue des avis partagés, Les Huit salopards marque sans doute un tournant dans la carrière d'un cinéaste qui n'a eu de cesse d'affirmer son style contre vents et marées.


Les manques d'inventivité, d'intensité et d'audace sont les principaux griefs formulés à l'égard d'un réalisateur qui en avait pourtant fait la quintessence de son art à ses débuts.


En effet, gardons-nous bien à l'esprit que le Tarantino des années 90 présentait à la fois les défauts et les qualités de sa jeunesse. En proposant un cinéma à la fois novateur et référentiel, l'univers du jeune Quentin parvenait à insuffler suffisamment d'énergie au milieu des productions de l'époque pour fédérer et galvaniser une grande partie des cinéphiles à sa cause. Qu'il s'agisse de son sens de l'écriture ou de ses nombreux clins d'oeil aux oeuvres polymorphes du 7e art, la démarche de Tarantino séduisait à la fois l'oeil du public tout en lui berçant l'oreille ( cf Pulp Fiction).


Force est de constater que deux décennies plus tard l'ami Quentin est depuis entré dans une phase oedipienne, artistiquement parlant. En faisant fi de ses allusions aux plus grands maîtres qui l'avaient précédemment inspiré, l'ancien lauréat de la Palme d'Or semble avoir jugé bon de s'en affranchir pour ne s'inspirer plus que de son propre cinéma, quitte à recycler la structure narrative de certains de ses films.


Outre les autos références à son univers personnel (après tout c'est l'un des traits caractéristiques de sa filmographie), la plus grande déception de ce 8ème opus provient très certainement de cette amère impression de déjà-vu et de déjà entendu. Sous la promesse d'un huis clos claustrophobique au milieu d'un enfer blanc, comment ne pas y voir une resucée scénaristique de Reservoir Dogs ou bien encore de l'excellente scène de la taverne dans Inglorious Basterds? ( la montée en suspens en moins, le tout dans un contexte similaire à celui de Django)


Bien sûr le film possède les qualités propres à son auteur. À la fois jeu de dupe et jeu de massacre, l'intrique parvient tout de même à capter son auditoire au prix d'une interminable attente, la faute à de très longues scènes verbeuses, qui au fond n'apportent que très peu de choses à l'intrigue globale (exception faite d'un flashback qui arrive à point nommé).


Si le casting tient globalement la corde, avec une galerie de trognes patibulaires, seul Samuel L. Jackson semble être, une nouvelle fois, à son avantage chez QT en héritant des meilleures répliques et du personnage le mieux approfondi au milieu de cette bande à part. Malheureusement, c'est bien peu suffisant pour nourrir l'appétit devenu de plus en plus exigeant du public tartarinesque. Au final, et de façon très paradoxal, le personnage avec lequel le spectateur pourrait ressentir une relative empathie reste peut-être celui de Daisy :


prise en otage pendant plus de deux heures, dans l'attente d'une délivrance qui vient finalement comme un cheveu sur la soupe.

jujumac
6
Écrit par

Créée

le 7 janv. 2016

Critique lue 754 fois

8 j'aime

jujumac

Écrit par

Critique lue 754 fois

8

D'autres avis sur Les 8 Salopards

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

259 j'aime

26

Les 8 Salopards
Sergent_Pepper
7

8 hommes en polaires

On pourrait gloser des heures sur chaque nouvel opus de Tarantino, attendu comme le messie par les uns, avec les crocs par les autres. On pourrait aussi simplement dire qu’il fait des bons films, et...

le 9 janv. 2016

206 j'aime

31

Les 8 Salopards
Velvetman
8

Oh, you believe in Jesus now, huh, bitch? Good, 'cause you gonna meet him!

Crucifiée, les yeux tournés vers une terre enneigée, une statue christique enclavée au sol observe de loin cette Amérique qui subit les cicatrisations cathartiques du clivage des contrées du Nord...

le 6 janv. 2016

143 j'aime

20

Du même critique

The Grand Budapest Hotel
jujumac
8

Film quatre étoiles

Erigé au rang de Dieu parmi les hommes par la plupart des hipsters avec une filmographie quasi parfaite ( La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique, Fantastic M. Fox, Moonrise Kingdom...), Wes Anderson...

le 27 févr. 2014

9 j'aime

2

Les 8 Salopards
jujumac
6

Grand ou petit 8?

À la vue des avis partagés, Les Huit salopards marque sans doute un tournant dans la carrière d'un cinéaste qui n'a eu de cesse d'affirmer son style contre vents et marées. Les manques...

le 7 janv. 2016

8 j'aime

The Revenant
jujumac
7

Vivre ou laisser mourir?

Laissé pour mort, un trappeur va conjointement affronter les éléments naturels et humains afin de retrouver l'homme qui a tué son enfant sous ses yeux. Film survivaliste et métaphysique, The Revenant...

le 28 févr. 2016

6 j'aime