Quentin TARANTINO, un jour peut-être ferai-je une rétrospective de sa filmographie tant il y a à dire sur cette icône du cinéma mondial.

Il y a cependant un point qui m'étonne à chaque fois lorsque je lis les critiques faites à ses films, c'est qu'on lui reproche peu ou prou toujours la même chose, à savoir trop de dialogues et trop de violences. Je peux comprendre que l'on soit sensible à la violence et je conçois tout à fait que des échanges verbeux puissent à la longue ennuyer, mais attendre de Tarantino qu'il réalise autrement les histoires qu'il veut nous raconter serait comme d'attendre plus d'explosions dans le cinéma de Woody ALLEN, un non sens total. Continuez à s'infliger des films de Tarantino si on se sent mal à la vue du sang ou si écouter des acteurs discuter entre deux coups de fusils est un exercice pénible, c'est du masochisme, il faut arrêter et laisser les amateurs jouir de son cinéma.


Avec ce film, son huitième, l'ami Tarantino nous emmène dans un western à la fois ultra référencé comme à son habitude, mais doué d'une originalité dans le traitement qu'il en fait. Le scénario consiste en un huis clos imposé par les caprices d'une météo qui oblige 8 personnages à cohabiter quelques temps dans un relais isolé du Wyoming sur la route de Black Rock où ils étaient sensés se rendre chacun pour une raison différente.


Le personnage central ou du moins celui autour de qui se focalise une bonne partie de l'attention est celui d'une femme Daisy Domergue, qui est prisonnière d'un chasseur de primes, ainsi Tarantino brise l'habitude que l'on a à propos des femmes dans les westerns, en nous présentant une femme forte, une femme aussi coupable et dangereuse que peut l'être un homme, elle est certes sous la domination et le contrôle d'un homme, mais ce n'est pas en raison de sa condition de femme. Ce rôle dévolu à l'excellente Jennifer JASON LEIGH qui prend un soin tout particulier à lui ôter toute trace de féminité ou de grâce.


Le chasseur de primes John Ruth qui détient Daisy, qui dans la légende qui le précède a la réputation de toujours livrer les fugitifs vivants pour avoir le plaisir de les voir exécutés par les bourreaux. Kurt RUSSELL interprète ici cet homme bourru, dont la petite manie oblige à toujours imaginer les coups bas et trahisons que pourraient fomenter les gens avec qui il est contraint de cohabiter. C'est un loup solitaire, un chasseur à l'affut pour qui la meute n'a rien d'une source de protection ou de repos, et qui le conduit à des comportements qui visent à maitriser son environnement.


le Major Marquis Warren, admirablement et délicieusement joué par Samuel L. JACKSON dont le jeu légèrement en exagérations et sur-jeux dosés sied à ce genre de rôle quasiment théâtral, est un ancien officier de l'armée régulière américaine, qui s'est fait une réputation d'abord comme tueur de sudistes puis comme chasseur de primes. Il est d'ailleurs encombré des cadavres de trois repris de justice lorsqu'il est introduit dans l'histoire.


Il y a aussi le nouveau sheriff de Black Rock, qui se rendait justement dans sa ville pour y prêter serment et recevoir son étoile, Chris Mannix, un ancien renégat de l'armée des confédérés, qui ne brille pas par son intelligence mais qui est d'une grande fidélité envers ses principes, il incarne un peu l'image du soldat américain de retour du vietnam, qui aurait aimé malgré la défaite recevoir un peu plus de considération de la part du peuple et du gouvernement, il en résulte un personnage qui sous le vernis d'homme simpliste, un poil aigri se révèle d'une grande complexité et Walton GOGGINS use de toute la finesse de son jeu pour en faire un des acteurs les plus intéressants de ce huis clos.


O.B. le conducteur de la diligence, toujours serviable, toujours désigné pour les corvées.


Demián BICHIR incarne Bob, un étrange mexicain perdu dans les neiges à qui l'on aurait confié la garde de ce refuge, Tim ROTH endosse le rôle d'un britannique aux moeurs et au vocabulaire et langage qui dénote dans cet environnement, qui est en fait le bourreau de la région et enfin joué par Michael MADSEN Joe gage un cowboy ayant touché un petit pactole et qui se rend chez sa mère pour y passer noël.


Sans oublier l'immense Bruce DERN pour le rôle du général de l'armée sudiste Sandy Smithers


Chacun des personnages sont à la fois des caricatures des personnages que l'on croise habituellement dans les westerns, mais Tarantino s'affranchit de ces clichés en leur donnant un background et des particularités propres qui bousculent nos attentes.


L'isolement du lieu et à la fois le confinement qu'il impose, le mystère qui entoure la majorité des hommes présents, les antagonismes qui se dévoilent au fur et à mesure du film, les dialogues qui ouvrent des pistes de réflexions puis les événements qui les referment, des doutes instillés là et des mensonges compris ici, plongent le spectateur dans une attente fébrile. On sait que quelque chose va arriver, on sait que parmi ces hommes, certains ne sont pas ce qu'ils prétendent, on est happés par le déroulé de l'histoire et Tarantino nous fait saliver, nous retient, pour lors d'un dernier chapitre où toute sa maestria dans l'art de filmer la violence et dans celui d'en faire une chorégraphie à la fois graphique et à la fois clownesque nous explose au visage, c'est notre cadeau, après toute cette attente, cette tension, ces palabres et ces anecdotes secondaires qui installent chaque personnage, la scène est prête, il n'y a plus qu'à laisser faire et c'est encore une fois l'extase et une jouissance de cinéphile que je retrouve à chaque Tarantino.

Spectateur-Lambda
8

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le 19 oct. 2022

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