C’est quand même bizarre… Ce sang des innocents –penser à priver de dessert ad vitam eternam les traducteurs qui ont commis ce titre – est un film pas mal, limite bien mais pas extraordinaire non plus, et bien ce film j’en ressors ravie, le « ah ben quand même, merci ! » en boucle dans la tête et prête à le recommander, bref trop enthousiaste par rapport à sa qualité réelle. Pourquoi ?

Tout simplement parce qu’en grande admiratrice de Dario Argento (oui je me répète, mais je n’ai pas le melon au point de croire que vous ayez lu toutes mes autres critiques où ce point est mentionné) et après être restée scotchée à mon siège devant Profondo Rosso, me refaire régulièrement des orgies rétiniennes des sublimes images de Suspiria, vouloir montrer à tout un chacun la réalisation géniale de Ténèbres et faisant figurer, en premier devant l’éternel, Phenomena comme mon film préféré… Après cela donc, j’ai comme beaucoup été déçue, voir affligée, en visionnant certaines des dernières œuvres de l’italien, Giallo et Dracula 3D en tête (je vous assure que je ne suis pas payée pour glisser sa filmographie ni vu ni connu) et je désespérais un peu que ce cher Dario ai pu livrer un film potable depuis 1996.

Et bien si !

Alors, entendons-nous bien : Le sang des innocents est très loin des chefs-d’œuvre cités plus haut, et possède même pas mal de défauts. Le principal, c’est surement les longueurs qui parsèment le film, longueurs qui, si la perfection visuelle et sonore que le réalisateur a su atteindre par le passé était présente, ne se remarqueraient même pas, mais ce n’est hélas pas le cas. Je crois que ce n’est pas de sitôt (je n’ose dire « jamais ») que l’on retrouvera ce niveau d’excellence.
Mais là où je m’attendais (malheureusement) à un film mal foutu, voir ridicule, j’ai trouvé un vrai giallo (clin d’œil d’ailleurs à l’un des personnages qui, dans sa jeunesse, en écrivait) avec des meurtres à l’arme blanche très visuels et inventifs, sans non plus tomber dans un voyeurisme de mauvais gout ; un scénario tortueux aux multiples rebondissements, pour certains il est vrai, peu crédibles, mais que l’on ne voit pas arriver ; et un second degré, quelques petites touches d’humour bienvenues, notamment via le personnage de l’ex-commissaire Ulisse Moretti, incarné par l’excellent Max von Sydow, point fort du film. Et quelques plans font plaisir à voir : la scène d'introduction dans le train, nous montrant le premier meurtre est très réussie ou encore le plan-séquence sur le tapis et les pas des gens, j'aime quand Argento fait ce genre de chose... L'atmosphère baroque et le suspense sont plutôt bien rendus.

En somme, on retrouve, à moindre niveau, le Dario Argento du Chat à neuf queues ou de Quatre mouches de velours gris, gialli des débuts, et si j’ai pu lire que ce film ferait penser à un long épisode de Derrick (et c’est plutôt drôle) je pense surtout que cette impression vient du fait que l’on a ici un film représentant un genre qui n’existe plus, une sorte de thriller passé de mode…

On sent dans ce film l’ancien génie de la mise en scène fatigué, ayant perdu la flamme, oui, mais au moins, on ne doute pas de cet ancien talent contrairement aux films qu’il réalisera après celui-là et qui en viendraient à vous faire douter que ce génie ait existé.

Donc, si comme moi vous avez eu l’envie, après avoir vu l’horrible Giallo, de sortir dans la rue en vous arrachant les cheveux tout en scandant des « Pourquooooooi ?! », regardez le Sang des innocents, il vous mettra un peu de baume au cœur.
Pravda
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Dario Argento : du chef-d'oeuvre au navet et Mes précieux

Créée

le 27 juin 2013

Critique lue 1.1K fois

21 j'aime

4 commentaires

Pravda

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

21
4

D'autres avis sur Le Sang des innocents

Le Sang des innocents
Play-It-Again-Seb
7

La patte du maître

Après la sortie de route que constitue Le Fantôme de l’Opéra et avant plusieurs ratés, Dario Argento signait un retour aux sources avec ce pur giallo dont le titre français ridicule challenge presque...

Par

le 3 nov. 2023

6 j'aime

3

Le Sang des innocents
Jibest
8

Le Chant du Cygne avant sa décapitation

Dario Argento a longtemps cherché à surprendre et à innover dans les codes du giallo qu'il a à moitié inventé. Les années 90 ont été riches en originalité mais peu concluantes : introduction de sa...

le 5 nov. 2012

6 j'aime

3

Le Sang des innocents
AMCHI
6

Critique de Le Sang des innocents par AMCHI

Sans être mauvais je m'attendais à mieux de la part de Dario Argento, il y a une certaine ambiance (quelques scènes sanglantes font leur effet) mais j'imaginais une atmosphère plus envoûtante mais...

le 25 janv. 2015

4 j'aime

Du même critique

Le Jour et la Nuit
Pravda
2

Et pourtant j'en ai vu des merdes.

Ce film, c'est l'histoire de gens qui passent leur temps à : boire, forniquer et faire des tours de montgolfière. La base, quoi. Je me disais que BHL n'étant pas le zigue le plus populaire du PMU du...

le 7 août 2014

146 j'aime

41

Plus belle la vie
Pravda
1

Plus belle la vie quand on a des gros seins

Errance hertzienne et voilà que je tombe sur… : Plus belle la vie. Série que j’ai moult fois critiqué sans jamais l’avoir regardé, et, dans un élan d’objectivité (ou de masochisme) je me décide à...

le 7 nov. 2012

130 j'aime

56

Crime et Châtiment
Pravda
10

"jeu de mot pourri ne faisant rire que son auteur et constituant un titre de critique"

Je pense que de ses trois œuvres les plus réputées (« Les frères Karamazov », « L’Idiot » et « Crime et Châtiment »), cette dernière est surement la plus accessible. Là où les digressions...

le 26 mars 2013

123 j'aime

21