• Vous savez bien que je ne veux rien vous devoir shérif.

  • Vous avez peur de ne pas pouvoir me faire querelle si vous acceptez mon café ? Vous ne savez pas Ted, vous avez beaucoup trop de scrupule quand vous voulez vous battre au révolver. Un beau matin, vous aurez l'impression que vous avez tord et alors vous serez cuit. Vous n'y avait jamais pensé ? Un bon pistolero ne doit jamais douter de lui-même.

  • D'après ce que l'on dit, vous avez tué assez de gens pour le savoir.

  • Quelques-uns, oui. J'en ai tué quelques-uns.

  • Pour quelle raison vouliez-vous me voir ?

  • Quand quittez-vous le pays ?

  • Quand j'aurai fini ce que je suis venu faire.

  • J'aime autant vous prévenir. Si vous vous leviez à l'instant de ce fauteuil et si nous sortions dans la rue pour régler l'affaire au pistolet, je vous tuerais.

  • Vous êtes... prétentieux. Il me semble.

  • Si un type quelconque venait à me provoquer, je pourrais lui mettre une balle dans le bras, une balle dans la jambe pour lui donner une leçon. Mais avec un pistolero rapide comme vous, je n'aurai que la ressource de vous tuer, avant d'être tué par vous. Et ça m'ennuierait de vous tuer.



Les relations entre jeunesse et vieillesse sont foncièrement corrélatives et pourtant si discordantes et incomprises que le fossé entre les deux générations semble toujours plus se creuser, tellement qu’il semble compliqué de soumettre une description bien précise de ce décalage. Richard Thorpe à travers son oeuvre démontre que les dissensions entre les générations sont despotiques et que la lisière entre la jeunesse et la vieillesse est un enjeu de luttes qui malheureusement ne trouvera aucune solution concrète. Il développe son propos en interrogeant tour à tour le spectateur sur cette relation intergénérationnelle qui apparaît essentielle, mais difficile d'accès. Un propos qui en dit long, puisque Le Pistolero de la rivière rouge est le dernier film réalisé par Richard Thorpe, cinéaste à la carrière démesurée avec plus de 150 films au compteur.


Le pistolero de la rivière rouge est un western inhabituel et introspectif, dans laquelle le cinéaste s'intéresse avant tout à plonger les spectateurs sous la peau de ses principaux protagonistes, quitte à laisser l'action au second plan, sans pour autant délaisser un suspense pleinement fonctionnel. Niveau réalisation le petit budget se fait ressentir autant dans les plans sobres, que la mise en scène peu expressive, fort heureusement le souci du détail à travers l'image vient mettre en valeur la psychologie des personnages et les relations ambiguës qui vont avec. L'intrigue présente une déformation intéressante du sujet nombre fois utilisé mettant en place une vieille légende usée par le temps, face à un jeunot au sommet de sa forme voulant affronter le plus vieux afin d'assoir sa réputation en l'éliminant.


Glenn Ford toujours au top incarne Dan Blaine, shérif au passé tumultueux d'une petite bourgade, ancien criminel reconverti, connu pour être la plus rapide gâchette de l'État. Un shérif étrange qui ne porte son insigne que lorsqu'un devoir officiel lui fait front (ce qui veut dire descendre un criminel), laissant les autres aléas de la fonction à son second. À la surface Dan Blaine est un homme au goût simple qui aime profiter de la vie, passant son temps à pêcher, boire de l'alcool sans en abuser, et les femmes, ou du moins une femme en particulier : Lisa Denton patronne d'une maison close, incarnée par la superbe et convaincante Angie Dickinson. Cette simplicité masque un homme complexe au lourd passif qui n'aspire plus qu'à vivre en paix afin de laisser couler le sang dont il est imprégné.


Une paix qui s'en trouve bousculée avec l'arrivée de Ted McGuire (Lot McGuire en Vo) incarné par Chad Everett, un autre as de la gâchette qui ne rêve que de vaincre le fameux marshal. Les deux hommes rapidement se rapprochent, Dan Blaine trouve en McGuire une version plus jeune de lui-même, et y voit donc une jeunesse capable de rédemption, comme cela fut le cas pour lui. C'est pourquoi il est si hésitant à l'affronter et va tout entreprendre pour faire comprendre à McGuire que la confrontation n'est pas obligatoire; comme durant la fameuse séquence controverse contre les Amérindiens, où McGuire veut directement les tuer, là où Dan favorise le débat afin de régler le problème en évitant toute violence. Deux visions générationnelles différentes, que Dan tente de rapprocher.


La problématique étant que l'attitude paternelle de Dan à l'insu de McGuire inquiète sa compagne Angie, qui pour la première fois craint que son homme ne soit pas à la hauteur car ayant vu McGuire à l'oeuvre au cours d'un duel. Cela conduit inévitablement Angie à embaucher secrètement un assassin (le véritable antagoniste de l'histoire) incarné par le formidable Jack Elam, pour se débarrasser de Ted McGuire. Mais malgré ses efforts, la confrontation est inévitable et le résultat inattendu. La nouvelle génération cherchant à perpétuer le mythe du revolver, doit affronter celui qui veut l'absoudre malgré le fait qu'il en soit directement un des investigateurs.


La tension ne cesse de monter entre les deux hommes qui sont tous deux les plus rapides gâchettes. L'inquiétude se porte autour de la réticence de la part de Dan Blaine à affronter le gamin, qui amenuise ses chances de l'emporter, malgré l'affirmation de sa supériorité. Alors que McGuire prouve directement son talent par les actes, en affrontant des bandits. Tout ceci inquiète le spectateur quant au résultat inattendu de cette confrontation. Sachant que McGuire n'est pas plus méchant que Ford, ce qui amène un traitement psychologique intelligent qui interroge. Tout cela contribue à rendre le final d'autant plus inquiétant, les deux hommes étant des bons gars, on ne veut voir mourir ni l'un, ni l'autre. Pourtant l'on sait le combat malheureusement inévitable. Le résultat de cette fusillade (que je ne dévoilerai pas) est symboliquement très fort, puisant sa source dans la fin de carrière du cinéaste. Le film fourmille ainsi de petits détails et de moments révélateurs qui font la force et la complexité dramatique du Pistolero de la rivière rouge.


CONCLUSION :


Le pistolero de la rivière rouge est un western en surface simple, traitant avec efficacité la profondeur de son sujet autour des luttes générationnelles, à travers des relations ambiguës. Pour se faire le cinéaste Richard Thorpe s'est entouré d'un casting solide avec en tête un Glenn Ford toujours aussi emblématique, accompagné d'une savoureuse Angie Dickinson, d'un convaincant Chad Everett et enfin du formidable Jack Elam. À regretter un manque de budget qui se fait ressentir à travers l'image, ainsi que la composition musicale de Richard Shores digne d'une vieille série du genre.


Un baroud d'honneur dramatiquement fort, faisant écho à la fin de l'incroyable carrière de Richard Thorpe.




  • Tu t'inquiètes à propos de Ted McGuire c'est ça ?

  • Je ne peux pas l'ignorer.

  • Tu as décidé de te battre contre lui ?

  • S'il m'y oblige.

  • Mais tu ne peux pas simplement refuser le combat . Lui ne représente rien. Tout le monde sait ce que tu vos. Tu n'as pas besoin de faire tes preuves devant les gens.

  • Si jamais je refusais de me mesurer à lui, toutes les canailles du pays rappliquerais ici.

  • Dan.

  • Oui ?

  • Il n'est pas plus rapide que toi, hein ?

  • Non.

  • Tu es sûr ?


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le 29 déc. 2020

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