En tant que lecteur inconditionnel du Petit Nicolas, je ne peux qu'être admiratif de la précision avec laquelle les réalisateurs ont su restituer sur grand écran, le style si particulier de Jean-Jacques Sempé, y compris et même surtout celui qu'il arborait pour mettre en images les récits de son partenaire et ami René Goscinny. Tout y est, des chara-designs minimalistes à la colorimétrie en aquarelle, jusqu'aux contours flous entourant chaque image ; typique des illustrations affiliées aux romans jeunesses.
Hélas, mise à part cette réussite technique indéniable, le film ressemble trait pour trait à ce que je m'étais imaginé en voyant la bande-annonce. Soit une compilation de nouvelles disparates adaptées quasi ligne par ligne, mais dont l'efficacité comique se retrouve souvent desservie par une exécution trop rapide, là où l'humour du Petit Nicolas fonctionne généralement sur la longueur, par accumulations de petits détails rendant la situation initiale de plus en plus explosive.
Entre ces petits court-métrages animés, Papa Sempé et tonton Goscinny font la causette à leur progéniture en papier dans le Paris idéalisé des années 60. On apprend ainsi au détour de ces pérégrinations quelques chouettes anecdotes sur la conception du personnage et de son univers, ainsi que des faits importants dans la vie des auteurs ayant pu avoir une incidence sur leur carrière artistique ou sur la création de leur œuvre commune. Dommage que tout cela résulte en un condensé de funs facts digne d'une expo du MIAM, dont aucune n'est réellement approfondie ou mise en relation avec les histoires qu'elles précèdent. Formellement, le film se présente comme une sorte de docu-fiction alors qu'il manque cruellement d'informations et de mise en contexte. Tant et si bien qu'à la fin de celui-ci, on est incapable de déterminer qu'est ce qui a fait la spécificité du Petit Nicolas à l'époque de sa publication, le portrait qu'il dresse sur le monde de l'enfance ou ce qui le rend encore très actuel pour les jeunes générations qui le découvriraient aujourd'hui.
C'est là mon principal problème avec ce long-métrage : il manque de cohérence artistique. Et ce n'est guère étonnant lorsque l'on sait qu'il s'agissait à la base d'un docu-fiction pensé pour la télévision, dont seules les histoires du Petit Nicolas devaient être réalisées en animation. Sûrement à cause des coups pharaoniques que devaient nécessiter les segments animés, le projet a ensuite muté en un objet cinématographique hybride. A mi-chemin entre l'adaptation, le documentaire et la fiction animée. Sauf qu'au final, il essaye d'être tout à la fois sans arriver à pleinement concrétiser l'un de ces trois aspects. Pas assez informatif pour être un bon documentaire, il n'est pas non plus suffisamment bien écrit pour être une bonne œuvre de fiction.
En effet, alors que la promo nous laissait espérer un film plus personnel, centré sur les auteurs et le rapport qu'ils entretiennent avec leur création, à aucun moment, il ne tente de construire un scénario ou une quelconque dramaturgie autour de cette thématique, préférant opter pour une approche semi-documentaire inconséquente. Sempé et Goscinny ne sont pas traités comme des protagonistes de fiction, mais comme des mascottes de Parc d'Attraction, au même titre que leur Petit Nicolas. De ce fait, on a donc bien du mal à se sentir émotionnellement impliqué dans leurs saynètes, et même le final avec Sempé annonçant à Nicolas la mort de son créateur, ne fonctionne que parce qu'on pense aux vrais auteurs à ce moment précis (d'autant plus avec le décès de Sempé en Août dernier), mais le film à lui seul ne génère aucune émotion pour ses "personnages".
Aussi, même en ayant passé un excellent moment devant ce long-métrage techniquement abouti et que je vous encouragerais malgré tout à aller voir en salles, surtout si vous avez des enfants en bas âge ; je ne puis m'empêcher de le considérer comme un simple film promotionnel désincarné, au même titre que les docu-fictions de Disney Chanel mettant en scène le père Disney entouré de toutes les mascottes de son futur parc d'attraction. J'ai l'impression que le principal objectif d'Anne Goscinny avec ce projet était de promouvoir la marque "Petit Nicolas" sans chercher à la renouveler comme cela avait pu être le cas avec le premier film de Laurent Tirard qui, quoi qu'on en dise, reste à mes yeux une excellente adaptation de l’œuvre.