Impossible d'aimer la course automobile et le cinéma, sans être transporté.e par ce nouveau film de l'excellent James Mangold! C'est une véritable épopée mécanique, humaine et sportive, que le réalisateur du magnifique "Logan" en 2017 nous propose en cette fin d'année.
Au début des 60's, le géant américain de l'industrie auto, Ford, 1er grand constructeur de l'histoire, fait face à de sérieuses difficultés financières; ses voitures sont perçues, tant par le grand public des USA qu'ailleurs dans le monde, comme vieillottes et synonymes d'ennui. C'est alors que Lee Iacocca (incarné par Jon Berthal, aka Shane dans The Walking Dead, ou encore The Punisher dans la série éponyme et dans Daredevil), propose à son grand patron, John Ford IIème du nom, petit-fils du visionnaire fondateur de la marque, de se lancer dans un défi insensé. Changer radicalement l'image des automobiles Ford pour les associer aux idées de vitesse et de puissance, en concurrençant et battant, sur le déjà mythique circuit des 24 heures du Mans, l'écurie au cheval cabré, Ferrari dont l'hégémonie sur le monde des courses de vitesse et d'endurance est alors totale! Et pour ce faire, c'est à Carroll Shelby, seul et unique vainqueur américain à l'époque, au volant d'une Aston Martin, de la reine des courses auto, qu'il propose des moyens quasi-illimités. Ce texan (incarné par Matt Damon) qui depuis peu ne pilote plus, s'est en effet reconverti en concepteur de voitures de sport, et en directeur d'une petite mais fringante écurie de course indépendante. Fortement titillé par la folle aventure, il propose alors pour concurrencer ce symbole de l'excellence mécanique et stylistique qu'est Ferrari, à son grand mais turbulent ami pilote et mécanicien, Ken Miles (le formidable Christian Bale), de le rejoindre et de l'aider à faire de la GT 40 encore un peu mal dégrossie (mais devenue légendaire depuis), un bolide aussi puissant qu'agile, une véritable petite fusée sur roues. En 2h20, qui semblent durer à peine plus d'1h30 tant le film et sa rythmique sont maîtrisés, c'est dans une folle course que nous entraînent James Mangold et son excellent casting, à la poursuite de la perfection mécanique et de la performance, mais aussi face à l'adversité opposée par un système qui n'apprécie guère la liberté revendiquée par les francs-tireurs géniaux que sont Shelby et Miles, à la visée purement mercantile des dirigeants de Ford, et aux enjeux humains lourds de conséquences pour un Ken Miles qui s'efforce de trouver un équilibre entre passion et vie familiale.
Une histoire admirablement portée par le duo de premiers rôles, Matt Damon incarnant avec beaucoup de finesse et de passion cet ancien pilote contraint par une santé défaillante à lâcher le volant pour passer de l'autre côté de la ligne droite des stands, et Christian Bale dans une interprétation jubilatoire, alternant répliques hilarantes, pétages de plombs, et séquences beaucoup plus intimes, profondément sensibles. Mollie, l'épouse de ce dernier incarnée par Caitriona Balfe, est aussi un personnage attachant qui insuffle de la profondeur au parcours de l'insaisissable Ken Miles, véritable vif-argent au tempérament aussi explosif que son attachement à sa famille et à la loyauté est puissant.
Côté réalisation, montage et technique, le résultat est admirable. L'équilibre entre séquences dialoguées aux enjeux cruciaux, scènes plus quotidiennes faisant place à l'humour et à l'émotion, et moments de grâce consacrés à la course pure et à la mécanique, est parfait. La caméra, dans ces derniers, filme les bolides au plus près de la route et des carrosseries, procurant des sensations de vitesse grisantes, faisant entendre les rugissements des moteurs mais aussi la respiration des pilotes et leur vie intérieure, la concentration absolue requise pour mener à bien la quête du "tour parfait", tout autant que les "grains de sable" susceptibles de faire dérailler les machines. L'immersion est totale, générant poussées d'adrénaline, d'endorphines, tension et exaltation...
La copie est également quasi parfaite sur le plan scénaristique. Une sincère volonté de recréer avec respect l'époque, ses protagonistes, leurs rapports de force et les enjeux historiques, est manifeste. Et si on peut regretter un patriotisme américain un peu trop appuyé par moments et une "vilification" un peu caricaturale du clan Ferrari (les gentils Américains outsiders de génie, contre les vilains Italiens trop sûrs d'eux-mêmes et méprisants), les quelques libertés prise dans le script par rapport à la véracité historique sont toutes au service de l'intrigue et d'une dramaturgie épique. Les personnages n'en sont que plus attachants, et on vibre d'autant plus avec eux.
Autre atout majeur du film, la musique originale de Marco Beltrami, ainsi que les chansons, sont toujours très judicieusement choisies, dosées, parsemées, magnifiant les splendides images et servant à merveille l'histoire et les interprétations des comédien.ne.s, en renforçant davantage encore le côté immersif.
Bref, "Le Mans 66" est à mon sens une grande réussite sur tous les plans, et l'un des meilleurs films de l'année! Une magnifique cylindrée alliant style et puissance, qui aura su faire monter dans les tours mon plaisir de cinéphile jusqu'à la note pas du tout bridée de 9/10! :) De quoi rugir de joie tel un moteur de GT 40 poussée à plus de 350km/h sur la grande ligne droite du circuit éponyme! ^^

CharlesLasry
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le 11 déc. 2019

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Charles Lasry

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