Vous êtes la plus belle des amies de ma mère
Belle découverte pour moi que ce Le lauréat avec Dustin Hoffman et Anne Bancroft. Derrière ces allures de film ne jouant que sur la carte de la séduction, Mike Nichols dépeint le choc générationnel entre les plus jeunes et leurs parents. C'est aussi le premier grand rôle de Dustin Hoffman au cinéma.
Attardons-nous sur l'aspect le plus visible finalement du film qui est le côté femme fatale de Anne Bancroft. Véritable première femme cougar du cinéma, elle séduit ce jeune premier qu'est Benjamin, ne trouvant que le bafouillement et des tentatives de fuite pour échapper à la séduction de cette femme, épouse de l'associé de son père. Il cédera bien vite à la tentation, la femme dépucèlera notre bonhomme et l'aidera à gagner en assurance. Jusqu'à ce qu'il rencontre évidemment la fille de Mrs. Robinson et qu'il en tombe amoureux.
Au-delà de cela, c'est une oeuvre qui lutte contre les conventions des parents sur leurs enfants. C'est aussi celle d'une jeunesse qui ne se retrouve plus dans les volontés de leur parent. Le début du film est à l'image de cette place que la jeunesse ne trouve plus, à travers Benjamin. Ce dernier n'a jamais droit au chapitre. Il est à peine capable d'aligner des phrases, obligé de rencontrer tous les voisins venus le féliciter pour sa réussite scolaire. Ces parents restent sourds à sa volonté de parler, à ses tracasseries quant à son avenir. La séquence de la piscine où Benjamin est obligé de parader dans son costume de plongeur qu'on vient de lui offrir est le symbole ultime d'une jeunesse noyée, littéralement étouffée par le monde adulte.
C'est pourtant en rencontrant Mrs. Robinson et en allant vers l'interdit que notre jeune Benjamin va parvenir à s'affirmer. C'est en rencontrant ensuite la jeune femme qu'il va réaliser qu'il n'est pas le seul à subir l'opprobre de ses parents. C'est vrai que notre homme affirme bien vite à la fille la liaison qu'il a entretenue avec la mère, ruinant par là toutes ses chances ou presque de pouvoir la séduire encore. Pourtant notre ami Benjamin, devenu plus sûr de lui, n'abandonne pas.
C'est de toute façon un réel processus d'émancipation de la jeunesse qui est mis en place et dont le summum est évidemment atteint lorsque notre héros parvient à retrouver Elaine et l'église dans laquelle elle doit se marier avec Carl, un homme séduisant, mais dont les parents ont quelque peu forcé et accéléré le mariage comme si Elaine devenait alors un interdit pour Benjamin. Un interdit qui n'a pas empêché Mrs. Robinson mère de consommer un jeune homme. La fuite de l'église et ensuite la séquence du bus où l'oeuvre se termine sur un plan fixe sur les visages de Benjamin et Elaine avec cette fameuse musique de Simon & Garfunkel laisse simplement présager que nos deux héros sont prêt à rentrer dans un monde d'adulte, à se construire eux-mêmes. La musique d'ailleurs joue un rôle important dans l'oeuvre même si la puissance des paroles de l'introduction ne prennent pas le même sens entre le début et la fin. Au début, Benjamin se laisse conduire sur un tapis roulant, visage perdu, mais qui ne sait prendre sa vie en main. Avec la fuite en bus, c'est une autre difficulté qui attend nos deux héros, celle de faire leur propre vie.
Il y a aussi énormément de symboles dans ce film. L'enfermement de Benjamin est souvent signifié par des pièces fermées et des moments où il n'a pas droit au chapitre. Il suffit de voir la fameuse scène où la jambe de Mrs Robinson est tendue et la porte fermée derrière Benjamin pour comprendre qu'il n'a pas encore droit à un chapitre. Le cloisonnement est totalement inversé avec la séquence de l'église où c'est le monde que les adultes ont tenté de fabriquer pour leurs enfants. Retournement de situation donc. On ajoutera aussi qu'il y a énormément de séquences drôles. Celle qui m'a marqué est le moment où Benjamin se retrouve bien malgré lui à l'hôtel où il rencontrait souvent Mrs. Robinson, mais en compagnie de la fille.
Les acteurs sont excellents, le film perd un rien de son souffle lorsque Benjamin recherche Elaine à Berkeley puis lors de l'église. Ca reste néanmoins une très grande oeuvre, qui a bousculé par mal les conventions lors de sa sortie et qui a propulsé la carrière de Hoffman.
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