Well I would say that I'm just drifting...

À la fin des années 60, un souffle contestataire fait irruption au sein d’une jeunesse américaine traumatisée par la guerre du Viêt Nam et désireuse d’une révolution politique et sociale. Contaminés par cette euphorie, de jeunes cinéastes impressionnés par la Nouvelle Vague vont s’emparer d’Hollywood et briser les tabous. Parmi les plus grandes œuvres auxquelles donnera naissance cette génération, Le Lauréat est sans doute la plus emblématique de ces élans libertaires.

On découvre d’abord un protagoniste en dérive, prisonnier de la pression sociale que lui impose son entourage bourgeois. Incapable de vivre sa vie, il rêve de s’affranchir du cadre rigide dans lequel il est enfermé. Ce sentiment est métaphorisé dès la scène d’ouverture où le personnage est porté par un tapis roulant. Il a l’illusion d’avancer alors qu’il est finalement immobile et condamné à une trajectoire rectiligne, à l’image de la vie qui l’attend. Sa rencontre avec Mrs Robinson, femme mature avec qui il entretiendra une relation secrète, semble pendant un temps mettre un terme à son errance. Mais si elle le débarrasser de sa virginité, elle emporte également avec elle son innocence et sa naïveté.

Comme la jeunesse américaine, il est surtout animé par une volonté d’émancipation et de fuite mais ignore tout de la destination qu’il veut atteindre. Ce sont donc moins ses sentiments que son besoin d’échapper à un environnement étouffant qui l’ont fait s’échouer dans les bras de cette femme tourmentée. À mesure qu’il réalise qu’il n’est rien de plus qu’un objet sexuel, il s’éprend de la pétillante fille de sa maîtresse qui incarnera pour lui la possibilité d’une échappée libératrice. Et le film se conclue étonnamment sur une note ambiguë : le regard du jeune couple se crispe, comme si la lucidité avait soudainement resurgi et que la gueule de bois était déjà là.

Symbole d’un mouvement de rupture avec le classicisme hollywoodien, Le Lauréat est le parcours d’un individu à la jonction entre deux mondes. Poursuivi par une société déjà morte, il fait le pari d’un futur incertain mais fondamentalement libre et sincère.

AlexNero
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le 26 nov. 2021

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