Marker de mai fait ce qui nous plait

50 ans après sa sortie, le documentaire de Chris Marker (décédé en 2012) et de Pierre Lhomme ressort en version numérisée et remaniée selon les volontés du premier et grâce au travail du second. Si la forme a sans doute un peu vieilli (la voix off de Yves Montand récitant avec emphase et lyrisme le texte écrit par Marker, la longueur des interviews, les questions parfois intrusives, l'intérêt inégal des personnes interrogées), il faut reconnaitre à ce long film scindé en deux parties séparées par une chanson de Montand une authentique dimension de témoignage sociologique et anthropologique sur une époque vieille d'un demi-siècle, qui apparait à la fois très lointaine (physionomie, vocabulaire, naissance de la technologie) et très actuelle (certaines problématiques traitées résonnent en écho en 2013, comme si la situation actuelle était déjà en gestation au début des années 1960.

Ce mois de mai 62 à Paris est un peu particulier. C'est le premier mois de paix depuis sept années avec l'achèvement de la guerre d'Algérie et la signature des accords d'Evian.Le long et terrifiant conflit a cependant laissé des traces dans une France encore largement ouvrière, où le communisme le dispute à la religion, où la consommation nouvelle et croissante des biens d'équipement accompagne peu à peu la diminution de la misère et la disparition des bidonvilles, où le racisme envers les Arabes et les Noirs comme la place réservée aux femmes attestent d'une société corsetée et repliée.

On regrettera juste que les magnifiques panoramiques de la capitale jouant de la lumière et des ombres et proposant des angles et des vues inédits de Paris cèdent petit à petit le pas sur l'enregistrement de longues conversations (celle avec la costumière de théâtre m'a fait, je l'avoue, décrocher du film). Il est tout à fait intéressant néanmoins de revoir cette époque de peur et de clandestinité, de secrets et de non-dits. Dans les rues parisiennes, les interviews réunissent une foule de curieux et de badauds surveillés de près par les 'képis noirs'. Chris Marker et Pierre Lhomme exposent une succession de visages, presque des trognes, à eux seuls témoins irréfutables d'une France en pleine mutation.
PatrickBraganti
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le 30 mai 2013

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