Le Garçon et le Héron
6.9
Le Garçon et le Héron

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2023)

C'est avec le cœur lourd que le générique défile, si Ghibli ne disparaîtra certainement pas après le chapitre Hayao Miyazaki à sa tête, il y aura nécessairement un avant et un après Kimi-tachi wa dō ikiru ka.

Désorienté j'ai été après cet ultime fondu au noir de la dernière production du studio, mais elle est bien ce que j'espérais, unique, sans être un message d'adieu, celle-ci, à contrario, ouvre Ghibli vers d'autres horizons, au risque de fermer certaines portes à un public habitué aux travaux passés du studio, en particulier les jeunes spectateurs.

Pour cause, ici, l’ensemble de l'œuvre ne s'adresse pas si facilement à un panel large comme à l’accoutumée ou presque. Au-delà des thématiques matures, c'est notamment la construction et le développement même du film qui pourrait diviser. La complexité si elle est présente dans chaque Ghibli via de multiples doubles lectures pour une même situation, ici elle est plus palpable, en particulier au travers son exhibition. Avec un mélange entre rêves et réalités sublimé de tout un tas d'artifices visuels, Kimi-tachi wa dō ikiru ka semble tiré de la tête de feu Satoshi Kon plutôt que de Miyazaki et ses équipes, déroutant, tout en gardant le côté hypnotique propre au studio.

Plus musicalement développé, l'orchestre ne semble ne jamais s'arrêter mais avec le maître Joe Hisaishi à la baguette qui s'en plaindra ?

J'ai trouvé le film plus "lent" que la majorité des autres productions Ghibli, le développement de l'histoire nous transporte pendant près de 2h30 vers des sujets délicats et matures avec toute la complexité que cela entraîne, sans vraiment les traiter de manière limpide, au point de vouloir perdre le spectateur.

Suivre la reconstruction d'un jeune garçon après un drame personnel n'est pas nouveau, mais c'est par l'intermédiaire des étapes par lesquelles il devra passer que Kimi-tachi wa dō ikiru ka n'essaye pas nécessairement de prendre par la main le spectateur. D'aucuns diront qu'un seul visionnage ne suffit pas et c'est bien vrai, car les détails il n'en manque pas et notre cerveau ébloui par la palette de couleur et la beauté des planches qui défilent sous nos yeux, n'arrive pas nécessairement à tout recevoir et stocker au premier coup d'œil.

Enrobée dans un écrin à faire briller les yeux, l'animation semble encore avoir franchi une étape, avec des idées de mise en scène nouvelles, qu'on aurait pu voir dans un Makoto Shinkai. Ghibli se positionne une fois de plus comme le porte-étendard d'un pan entier de la culture japonaise que l'on espère ne jamais voir disparaître, hein Gorō.

Le maître ne fait pas pour autant l'impasse sur l'utilisation de la 3D, celle-ci est présente avec parcimonie et surtout intégrée de manière intelligente en servant de contre-pied aux aplats 2D du dessin, impactant la rétine par sa présence à l'écran sur des objets bien particuliers de la scène.

Comme vu plus haut le film possède un rythme lent et donc par instant plus statique que par le passé, les longs plans donnent toute la latitude d'apprécier le dessin de génie, et je pèse mes mots, de chaque membre du studio.

Une fois de plus, ils réussissent à créer quelques icônes, une nouvelle mascotte qu'on pourrait qualifier de noiraude blanche en tête de liste, ou bien ce fameux héron qui donne des frissons presque "à la Akira" lors de la première partie du film, nul doute que l’on retrouvera ceux-ci dans le parc du studio et chaque boutique.

Comme un testament du passé du présent et du futur Kimi-tachi wa dō ikiru ka tisse entres elles et admirablement chaque étape de l'histoire du studio, délivrant via ce garçon, le message que Miyazaki et son héritage resteront avec nous pour toujours. Ghibli ne nous avait pas habitué à aussi complexe depuis longtemps, et cela portera peut-être préjudice à l'universalité de l’œuvre pour cette fois, mais à n’en pas douter le film ne nous a pas encore dévoilé tous ses secrets, et le revoir, il nous faudra.

Critique publié lors de la sortie japonaise du film le 14 juillet 2023.

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le 11 sept. 2023

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Sajuuk

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