Il est toujours difficile de porter un jugement sur une fiction traitant de la Shoah. Nombreux sont les documentaires, ouvrages ou témoignages existants, que vouloir recomposer ou créer une réalité-fiction peut apparaître comme stérile, voire, pour les esprits vraiment chagrins, y déceler un vil mercantilisme. Laszlo Nemes semble éloigné de toutes ces considérations, il a bâti « Le fils de Saul » avec un talent certain, mais aussi une certaine ingénuité, qui tient sans doute au fait que c’est son premier film.


L’action qui se passe autour des Sonderkommando, qui étaient les unités de prisonniers déportés dans les camps, triés sur le volet, et devaient aider l’autorité nazie dans son horrible tâche d’extermination de la solution finale. Nemes s’attache à Saul, l’un d’eux, qui lors d’une séance pré-crématoire, croit reconnaître son fils parmi l’une des victimes. Il n’aura de cesse alors de se donner le moyen de l’enterrer dignement et de trouver un rabbin pour la lecture préalable du Kaddish Yatom. C’est de cette idée scénaristique que va découler tout le film et nous plonger au plus près dans le cœur de l’horreur.


La reconstitution historique (inouïe) s’appuie sur un certain nombre de faits avérés que l’on retrouve notamment dans les cahiers de témoignages enterrés et retrouvés à la libération, sur les photos clandestines (il en existe trois), par les témoignages sur la révolte de Birkenau et autres rapports d’enquêtes… Ce sont autant d’éléments qui se retrouvent intégrés au récit fictionnel de manière très appliquée. Mais Nemes nous épargne toutefois un voyeurisme qui aurait été inadmissible. La plupart des scènes horribles sont pour la plupart habilement masquées (flou de second plan, obscurité, cadrages pudiques). L’ignominie est, de toute façon, présente à tous les plans, suggérée ou laissée à l’imagination, Nemes, s’attachant plus à cette quête d’humanité très spirituelle, qui saisit Saul (se considérant « mort » jusque là), en « père » qui ne veut pas abandonner son fils. Et le film y trouve toute sa grandeur.


L’oppression est constante, obsédante, le film malmène le spectateur presque de bout en bout. Cette belle maîtrise se dilue toutefois un peu sur la fin qui apparaît comme un peu plus brouillonne, moins précise dans la manière dont elle est amenée et filmée. Il n’en reste pas moins que « Le fils de Saul » est un très bon film, extrêmement sincère et surtout, surtout, bouleversant.

Fritz_Langueur
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le 28 nov. 2015

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Fritz Langueur

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