Exercice d'hostile
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C'est la mode des longs plans-séquences. Qu'ils prennent toute la longueur du film comme dans Birdman ou Victoria ou simplement une scène d'introduction comme dans le récent Spectre, on les retrouve décidément partout. Ici, pas d'exception. D'ailleurs en évoquant Spectre, une drôle d'analogie s'instaure. On croirait assister ici un nouvel épisode d'une saga sur les camps de concentration durant le Seconde Guerre mondiale, avec les mêmes personnages, les même méchants vociférants et cruels. Encore un. On peut le déplorer. Ou simplement admettre que le cinéma occidental tourne comme cela et a toujours besoin de sujets porteurs. Mais enfin, on peut trouver cela étrange de traiter un tel sujet, depuis le fameux Shoah de Claude Lanzmann et dans tout le cinéma occidental, comme une sorte de franchise en changeant de réalisateur, avec par exemple et entre autres, La Liste de Schindler de Spielberg, La Rafle de Bosch (s'il vous plaît !) ou le plus récent Phoenix de Petzold. Tout comme la saga James Bond, ou Star Wars et Harry Potter, on l'impression ici que ce sujet a été traité à travers le temps, par des réalisateurs différents, de manière similaire sur le fond et selon les modes formelles de l'époque, les pays et les saisons. Peut être que La Vie est Belle fait exception. Tout comme ces sagas, les films sur le sujet sont inégaux. A l'inverse de ces sagas, ils se ressemblent trop. On aimerait un autre angle parfois, un autre traitement. Et pas uniquement sur la forme. Il suffit de lire Primo Lévi et Maurice Rajsfus pour s'en convaincre et de jeter un coup d'œil sur le documentaire Juifs à Vendre, même s'il parle de l'après-guerre.
Et d'ailleurs parlerait-on de ce film s'il n'avait pas une forme à la mode, le plan-séquence, et un sujet tristement vendeur, le génocide nazi ? On a ici la mauvaise impression que pour qu'un film hongrois soit Grand Prix à Cannes, il faut qu'il remplisse un cahier des charges d'une manière ou d'une autre. Comme beaucoup d'autres. Il n'y qu'à voir le reste de la sélection. Béla Tarr, ou es-tu ?
Pourtant le film a des qualités difficiles à nier. Les acteurs jouent avec gravité et tiennent la tension tout le film. La musique qui se fait rare permet de se plonger de manière documentaire à la première personne dans le film. La quête religieuse, traditionnelle de Saul aurait pu être une bonne idée, si elle avait été moins simplifiée. Les différents plan-séquences filmés globalement au dessus de l'épaule du protagoniste principal donnent une sensation de pression et d'étouffement, nous plongent directement dans l'horreur et sont millimétrés avec brio. Mais cela apporte aussi de la confusion, peut être voulue, sur ce qui se passe à l'écran. Et l'artifice est trop simple et trop systématique pour fonctionner sur la durée. Plus de diversité, plus de couleur dans ce sombre monde à des moments inattendus, remettrait en selle le spectateur. On comprend que les rares sourires sont ménagés pour être plus marquants leurs moments venus, mais entre-temps, on a déjà décroché.
Au final, les canons d'Hollywood et de Cannes souhaitent tout simplement la même chose, qui peut se résumer en une expression : Shoah must go on.
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Créée
le 9 déc. 2015
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