Ne nous en cachons pas, si on se glisse devant un tel film, c'est avant tout pour retrouver le charme du couple vedette ou des numéros musicaux et pour savourer cet univers idyllique, savamment entretenu par le Hollywood d'antan, fait de soie, de luxe et de dorure. Voilà ce que nous voulons, du glamour, du pétillant, du léger, un peu de rêve sur celluloïd pour échapper, l'espace d'un instant, à la grisaille du quotidien.
Tout cela, Top Hat va nous l'offrir mais pour pouvoir pleinement en profiter, il faut savoir faire fi des faiblesses du métrage et en premier lieu de son scénario. Alors bien sûr, lorsque l'on regarde une comédie musicale, surtout de cette époque, il ne faut pas s'attendre à une intrigue brillante ou à des personnages étoffés... mais tout de même, on peut déplorer que l'histoire se limite à un vulgaire vaudeville, avec quiproquos et amant dans le placard. Tout cela ne va pas chercher bien loin et on soupire gentiment devant ces situations éculées et ces personnages stéréotypés (l'italien séducteur, l'épouse autoritaire...). De son côté, Mark Sandrich ne fait pas beaucoup d'efforts pour rehausser le niveau de son film, se contentant de faire "le job", c'est-à-dire de filmer son couple vedette. Bon, c'est déjà ça, bien sûr ! Et si on peut regretter un visuel excédant parfois la dose de kitsch recommandée (avec en point d'orgue, une représentation assez horrible de Venise), il faut reconnaître que notre homme maîtrise mieux son sujet que dans l'oubliable The Gay Divorcee , se permettant même le luxe de nous faire sourire avec ces passages où le personnage tenu par Astaire ne peut s'empêcher de danser...
On a bien compris, l'intérêt de Top Hat se situe ailleurs. Autant l'histoire peut paraître superficielle et la mise en scène grossière, autant les passages musicaux nous semblent gracieux à défaut d'être exceptionnels. Le réjouissant No Strings est un condensé de bonne humeur, de fougue et de vitalité, comme seul, peut-être, Astaire peut nous en offrir. On a aussi le splendide Top Hat qui symbole parfaitement l'élégance et la dextérité du danseur... Mais personnellement, je conserve une tendresse toute particulière pour le célèbre Cheek to Cheek, ou quand la grâce du mouvement entre en symbiose avec la complicité des interprètes, cela donne un moment inoubliable. Surtout lorsque celui-ci se conclut par un Heaven, I'm in Heaven... chuchoté par une Ginger Rogers plus resplendissante que jamais. C'est simple, c'est beau. Parfois la réussite d'un film tient à peu de chose : quelques pas de danse, quelques claquettes et un peu de douces mélodies peuvent suffire à notre bonheur, surtout lorsqu'on évolue avec Fred et Ginger.