Par excellence le genre de film qui n'a rien à offrir sinon la performance de ses acteurs (comme tout le monde, je suis content dès que je vois Sam Rockwell...), et même celle-ci m'énerve car elle ne fait que mieux ressortir, en essayant de la camoufler, la vacuité du film. Certes les comédiens font le taf, oui il y a des moments touchants, mais le film est au final bien moins que la somme de ses parties et se révèle tristement sans enjeu.


Comme le film ne peut pas se payer le luxe d'entretenir le doute sur la culpabilité de son protagoniste principal, et du coup ne peut pas créer d'ambiguïté, il ne peut guère que faire le tableau du très regrettable procès d'un mec finalement normal par média interposés, mais à propos du quel il n'a pas grand-chose à dire. Vu qu'on connait la fin, on ne peut voir dans les petites étrangetés de Richard Jewell que cela, les idiosyncrasies d'un personnage lambda, qui ne sont jamais présentées que comme les fixations déplacées d'agents bornés (alors j'aime bien John Hamm mais il est ici totalement fantomatique dans son rôle cliché de bureaucrate à la lippe pincée). La partie sur les media est elle aussi totalement foirée. Je suis comme tout le monde (enfin la majorité des mecs et une minorité de femmes), quand je vois Olivia Wilde en Belle-Amie à la cuisse légère je bande, mais son personnage torpille toute tentative de critique un tant soit peu constructive des MSM ricains en réduisant tout à l'ambition personnelle d'une péronnelle qui d'ailleurs, de façon très eastwoodienne, se fait dument remettre à sa place par un des mâles du casting (dans un passage que franchement j'ai passé en accéléré tant il m'a fait mal au cœur pour Sammy qui a dû débiter ce grand moment de malaise avec la même intensité qu'il fait l'hélicoptère avec sa bite dans Choke). État et média, c'était les deux seuls conflits du film et ils sont merdiques, dommage... Richard Jewell, lui, est sympa dans le fond, et son amitié avec l'autre mec bien réchauffante, mais un quidam au final, monsieur tout le monde, aussi peu symbolique de quoi que ce soit que vous, moi, mon beauf...


Le problème de Clint, plus j'y pense, est qu'il est coincé entre deux impossibilités, ou alors qu'il cherche une voie médiane introuvable: entre le héro fordien classique (congédié en 56 déjà par Ford lui-même dans le plus beau plan de l'histoire du cinéma) et le héro ambigu hérité du nouvel Hollywood dont il a donné un des derniers précipités dans Impitoyable, il semble chercher le héro sans qualité, le héro transparent, le Jimmy Stewart de l'Homme qui tua Liberty Valance, le Common Man.


Le héro ambigu lui a donné ses plus grands rôles et ses plus grandes réalisations (Josey Wales et le susmentionné Unforgiven). Dans ses meilleurs films Eastwood met à nu les contradictions d'hommes en lutte avec leur propre violence (et par métonymie d'un pays en lutte avec sa propre violence). Dans ses pires films, la transparence de ses personnages ne donnent à voir qu'un empilement des mêmes clichés républicano-libertaires poussifs sur le gouvernement que les Ted Cruz de ce monde répètent inlassablement afin de faire oublier qu'ils violent des enfants avant de leur ravir leur adrénochrome, et qui n'ont plus rien à dire sur leur temps.


Peut-être trouvera-t-il un jour le fait divers qui lui permettra de trouver son héro d'un nouveau genre, mais jusqu'à présent, les Chris Kyle (qu'il a pourtant presque réussi à transmuter en être humain véritable), les Sully, les Richard Jewell et même les Randys dans le train, l'ont tous en tout cas conduit à l'échec.

Listening_Wind
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le 31 mars 2021

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