Le Bouton de nacre
7.3
Le Bouton de nacre

Documentaire de Patricio Guzmán (2015)

Attention, cette bafouille peut contenir des spoilers. Merci de votre compréhension.


Après Nostalgie de la lumière (2010) sur le désert d'Atacama au nord du Chili, et avant un autre documentaire sur la cordillère des Andes au centre du pays venant clôturer une trilogie, Patricio Guzman s'intéresse à la mer au sud de son pays avec Le Bouton de Nacre, prix du scénario et prix du jury œcuménique au festival de Berlin 2015. Ce documentaire est magnifique et incroyablement riche pour sa durée d'1h22 !


Présente sous toutes ses formes (goûte fossilisée dans un bloc de quartz, glaciers d'un bleu surréaliste, vapeur dans l'espace et, évidemment, étendues océaniques), l'eau est bien plus que le motif du film, elle est sa forme même, Guzman comparant son flux à celui de la pensée humaine et laissant couler sa propre voix en commentaire off tout du long. Ignorée par les chiliens (qui n'ont pratiquement aucune tradition maritime), l'eau a pourtant une place dans leur mémoire, de celle de ses indiens jusqu'aux corps coulés dans l'océan sous la dictature. Deux sujets historiques traités comme le ressac d'une histoire qui se répète tristement. Toutefois, Le Bouton de Nacre n'appuie pas son projet de devoir de mémoire ; encore une fois, il le laisse couler comme on dérive sur l'océan.


Très complet dans ses témoignages, Guzman invite ethnologue, historien, journaliste, poète et amérindiens (du moins ceux qui restent) à s'exprimer sur leur pays. La plus belle participation étant celle de la plasticienne Emma Malig, reproduisant en carton froissé sur un tapis bleu un pays qu'on ne peut représenter qu'en trois parties sur une carte. Guzman est aussi exhaustif dans ses représentations, usant de photos ethnologiques, de gravures (pour raconter l'étrange histoire de Jemmy Button, un amérindien qui a perdu ses origines contre... un bouton de nacre !), de reconstitutions (pour l'ère Pinochet, dans quel cas le film se veut trop démonstratif et perd de sa mesure poétique), et surtout de très beaux plans contemplatifs sur l'eau décidément omniprésente, emballant le tout dans une beauté esthétique rarement vue dans le documentaire. Cette richesse n'est jamais lourde grâce à la cosmogonie que déploie Guzman, harmonisant les thèmes les uns les autres : une goûte d'eau devient une planète, une pierre devient une lune, des corps mouchetés de peinture deviennent des galaxies. L'effet The Tree of Life fonctionne aussi pour le documentaire : l'ambition du Bouton de Nacre n'a d'égale que sa beauté foudroyante.

BastienMarie
9
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le 11 déc. 2015

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Bastien Marie

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