Le Bon, la Brute et le Truand conclut en beauté la trilogie du dollar de Sergio Leone. C'est la définition même du "chef-d’œuvre absolu" et c'est un film qui continue de s’améliorer à chaque visionnage. C'est une épopée incroyable qui suit les aventures de nos trois protagonistes, le Bon, la Brute et le Truand, à la recherche d'un coffre renfermant 200 000 dollars. D’une certaine manière, c’est un jeu sur le dilemme moral, pesant le pour et le contre. C'est aussi un jeu d'oppositions, la lumière et la nuit, le bien et le mal, la vie et la mort ... Parfois, le crime paie, du moins à court terme. Parfois, le bien n’est pas récompensé, mais l'important c'est de voir à long terme. Ce film a probablement sonné le glas du western américain à la John Wayne, qui opposait le bon gars et le mauvais gars. Si je devais définir c'est quoi un western épique, ma réponse serait Le Bon, la Brute et le Truand ... plus épique que ça, ça n'existe pas !

Ce sont le Bon, la Brute et le Truand qui font le film. Clint Eastwood est Blondin/l’homme sans nom, aka le Bon. Il n'est pas vraiment "bon" au sens strict du terme, mais il a un certain sens de l’honneur et essaie de faire ce qui est juste. Le bien et le mal ne sont pas des grandeurs parfaitement opposées l'une à l'autre. Très souvent, le bien accouche du mal et la capacité de voir le mal, c'est justement ce qui nous ouvre la capacité du bien. Prenez la scène où il donne une bouffée de son cigare à un soldat confédéré mourant, ça résume tout ce qu’est l’homme sans nom, sans prononcer un seul mot. C'est justement cette capacité à voir le mal, qui distingue L'homme sans nom de ses deux autres compères.

Eli Wallach est Tuco, aka le Truand. C'est le personnage le plus complexe du film et de moins point de vue le plus intéressant. C'est un personnage impulsif, tout le temps au bord de l'explosion et en rage permanente. Tuco ne tient jamais en place et tourne en rond tout au long du film, volant, mentant, prétendant être le meilleur ami de Clint Eastwood dans une scène, essayant de le tuer dans une autre. Il ne représente ni le bien ni le mal, il est quelque part au milieu. Tuco représente vraiment le côté laid des gens. Eli Wallach vole la vedette à tout le monde dans le rôle de Tuco, c'est probablement sa meilleure performance de tous les temps.

Lee Van Cleef est Sentenza, aka la Brute. Totalement impitoyable, il fera tout ce qu’il faut pour arriver à ses fins. Sentenza, c'est le mal personnifié. C’est assez drôle d'apprendre comment Lee Van Cleef a été choisi pour jouer le rôle du méchant ici. A ses débuts, la carrière de Lee Van Cleef consistait principalement à jouer des membres de gangs à l’air méchant, mais Sergio Leone décida de lui donner le rôle du héros dans Et pour quelques dollars de plus. Alors que son visage disait "méchant", sa voix et ses manières chaleureuses et sympathiques disaient "gentil". Le bon gars Lee Van Cleef s’est évidemment avéré plus populaire, car dans la douzaine d’autres westerns spaghetti dans lesquels il a tourné pour d’autres réalisateurs, il a invariablement été choisi pour jouer le héros.

Le Bon, la Brute et le Truand est long (presque 3h00), mais il n’y a pas une seule scène en trop dans ce film. Sergio Leone prend le temps de développer son histoire, révélant plus sur chaque personnage et ce qui se passe (et ceci avec un certain style et une certaine grâce). Le rythme est incroyable, tout comme la direction. Sergio Leone parvient à créer beaucoup de tension et il installe le spectateur dans l'inconfort permanent, empêchant le film de devenir prévisible. Tout cliché qui vous viendrez à l'esprit sur les westerns américains et ses héros à la John Wayne, sont complètement annihilés par la narration magistrale de Sergio Leone. La BO absolument magistrale d’Ennio Morricone fait entrer le film dans une autre dimension. Deux scènes tout particulièrement illustrent ça, l’une dans un camp de prisonniers de l’Union, l’autre dans le cimetière lors du duel final. Les deux scènes sont mémorable d'un point de vue mise en scène et construction des plans, mais elles deviennent encore plus mémorables combinées à la puissante partition d'Enio Morricone.

Parmi tous les westerns tournés par Sergio Leone, Le Bon, la Brute et le Truand c’est sans nulle doute le plus ambitieux et le plus envoûtant de tous. C'est le film qui a inspiré toute une génération de réalisateurs (Quentin Tarantino, Sam Raimi, Robert Rodriguez ...) et qui continuera, j'en sûr, d’en inspirer plus d'un dans les années futures. Il y a quelque chose dans Le Bon, la Brute et le Truand qui est presque mystique ou de l'ordre de la magie. Certaines scènes semblent toucher du doigt la perfection et une scène mythique succède à une autre. Je pense en premier lieu aux trois scènes qui introduisent les personnages de Sentenza, Tuco et Blondin, mais aussi à Tuco dans sa baignoire et sa célèbre réplique "When you have to shoot, shoot, don't talk"(je la préfère en version anglaise) et bien sûr au duel final dans le cimetière. Et puis il y a cette scène finale absolument mythique entre Blondin et Tuco, Blondin s'adressant à Tuco "Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses."

Le gros point fort du cinéma de Sergio Leone, c'est la caractérisation des personnages, en particulier lors de leurs scènes d'introductions. Prenons les trois scènes d’introduction de nos trois protagonistes. Nous voyons d’abord Tuco jaillir d’une fenêtre, visiblement interrompu au milieu d’un repas et tout de suite nous obtenons un arrêt sur image et le titre "le Truand". Tuco c'est l'homme imprévisible. Sentenza apparaît au loin, puis se rapproche de nous, jusqu’à ce que son visage remplisse l’écran. Nous le voyons commettre deux actes méprisables, meurtre et trahison, puis arrive ce fameux arrêt sur image et le titre "la Brute". Sentenza c'est le mal à l'état le plus pur. Enfin, lors de la première apparition de Blondin, il entre dans le cadre derrière la caméra, comme s’il avait toujours été là. Il sauve Tuco, mais seulement pour son propre profit. Ce n’est que lorsque nous le voyons trahir et abandonner Tuco, que le dernier arrêt sur image intervient et le titre "le Bon". Bien sûr, c'est assez ironique compte tenu de ce que nous venons de voir de lui.

Nous voyons aussi l'importance que voue Sergio Leone à l’église et à la famille. On pourrait penser que la trilogie du dollar manque d’émotion, se déroulant comme elle le fait dans un monde où il n’y a pas de morale et où tout le monde est assoiffé d'or. Cependant, le Bon, la Brute et le Truand contient plusieurs moments poignants, dont le plus important est peut-être lorsque Tuco confronte son frère prêtre dont il n'avait plus de nouvelles. L’iconographie religieuse et les références bibliques reviennent sans cesse. Sergio Leone aimait les épopées bibliques presque autant qu’il aimait les westerns. J'aime à penser que le trio central peut être vu comme une allégorie de Dieu, du diable et de l’homme. C'est sans doute une vision plutôt cynique de la foi catholique, étant donné la nature perfide et en damier du "bien", mais on pourrait soutenir qu’il s’agit d’une vision typiquement italienne. Dans un pays où l’Église est si omniprésente et universellement acceptée, on dit parfois que Dieu est maudit autant qu’il est aimé.

Et puis il y a la guerre de sécession en toile de fond. Les sentiments anti-guerre ne sont pas directement abordés dans ce film, mais la façon dont la guerre civile est tissée dans l’intrigue en fait une dénonciation déchirante. Pendant la première demi-heure, nous ne voyons pas que la guerre se déroule au loin. Les trois personnages principaux ne se sentent pas concernés par la guerre, ils ne sont intéressés que par l'appât du gain. Cependant, la guerre empiète de plus en plus sur l’intrigue, jusqu’à ce qu’elle passe de l’arrière-plan au premier plan et prenne le dessus sur tout le reste, culminant dans une scène de bataille colossale. Et bien sûr, le fait que le film se termine dans un immense cimetière militaire est également très significatif.

Le Bon, la Brute et le Truand est un western hors-normes, un véritable chef d'œuvre absolu. C'est simple, il est dans mon top trois des meilleurs films de tous les temps et tous genres confondus. Ce film est absolument génial et si vous ne l’avez jamais vu, je vous encourage fortement à le faire ... là tout suite, sans plus attendre !

lessthantod
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le 21 juin 2023

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