Adapté d'un spectacle à succès à l'époque, et confié à Ettore Scola après un premier projet d'adaptation bien loin du résultat final, Le Bal est une vraie réussite sur tous les plans et réussit parfaitement à transformer le matériau d'origine en objet cinématographique.

Sans aucun mot, sans aucun dialogue, rien que par la force des gestes et des danses, bref par la force même de l'image et de sa narration, Le Bal nous raconte des histoires d'amour, de séduction, de désir, de plaisir et nous parle même de l'Histoire avec son grand H. A travers l'évolution au fil du temps d'une salle de bal française, du bal joyeux du Front Populaire au bal un peu suranné et très kitsch de l'époque contemporaine du film, à savoir les années 80, en passant par la Seconde Guerre mondiale, les années 50 et mai 68, on suit des couples de danseurs se mêler, se regarder, se séduire ou se fuir, sur fond d'une bande-son toujours en évolution et avec une subtilité de jeu étonnante.

Le film est bien entendu tout à fait maîtrisé du point de vue du cinéaste lui-même, Scola étant loin de se contenter d'une simple adaptation froide et scolaire. Quelques très jolies transitions entre les époques, et un bel hommage au cinéma muet, surtout dans le jeu et l'humour des comédiens dans le segment consacré à 1936. Une référence à Fred Astaire, un jeu qui peut rappeler la gestuelle de Jacques Tati, un humour et une délicatesse dans le traitement de ces personnages, qui, bien que simples ébauches et souvent assez marqués par un trait de caractère défini, n'en sont pas pour autant des caricatures et restent très attachants ou intrigants.

La musique, bien entendue, est un plaisir, même si on s'explique mal le César accordé à Vladimir Cosma à l'époque étant donné qu'il a uniquement composé le thème lui-même et s'est contenté d'arranger des musiques pré-existantes (allant du bal-musette à "T'es ok, t'es bath" en passant par Aznavour et le Boléro de Ravel). On note d'ailleurs la rupture des années 80 qui sont définitivement cette décennie où le kitsch obtient droit de cité et s'en donne à coeur joie, musicalement, esthétiquement, culturellement (et je dis ça avec lucidité mais sans mépris, j'aime beaucoup cette décennie).

Quelques scènes truculentes pour un film charmant et atypique qui réussit son pari et divertit de bout en bout. Un plaisir.
Kabouka
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus en 2015

Créée

le 27 févr. 2015

Critique lue 412 fois

2 j'aime

Kabouka

Écrit par

Critique lue 412 fois

2

D'autres avis sur Le Bal

Le Bal
Sergent_Pepper
4

Stérile en la demeure

Le concept a du bon : sur le canevas éprouvé de l’usage, qui définit à quoi devrait ressembler un film conventionnel, les expériences à la marge sont toujours fertiles. L’idée d’un film dénué de...

le 15 janv. 2021

10 j'aime

Le Bal
Theloma
9

Le petit bal perdu

Peu rediffusé à la télévision et assez rare à trouver dans les bacs à DVD voici un excellent film à plusieurs points de vue. D'abord, si les bavardages de certaines productions récentes vous lassent,...

le 5 mai 2015

7 j'aime

9

Le Bal
AnaelMarquisWas
8

On traverse les époques au fil des pas de danse

Le film démarre sur l'arrivée de femmes qui se font belles, se coiffent et se regardent dans un miroir, au fond d'une salle. Elles viennent, par la suite, s'assoir autour de tables, près d'un carré...

le 5 janv. 2014

3 j'aime

Du même critique

The Witcher: Enhanced Edition
Kabouka
9

Une belle claque et une grosse dose d'originalité

The Witcher, ou la preuve qu'on peut à tout moment être surpris par le monde du jeu vidéo. Un obscur studio polonais dont c'est le premier jeu, une obscure série de livres (célèbre en Pologne et dans...

le 14 oct. 2012

17 j'aime

Just Like a Woman
Kabouka
7

Envoûtant

Just Like a Woman, c'est d'abord et avant tout un film d'une mélancolie incroyable, plein de torpeur, d'élégance et de douce amertume de la vie. Cette histoire de deux femmes délaissées par le sort...

le 14 déc. 2012

12 j'aime

1

Batman & Robin
Kabouka
2

Bienvenue à Nanarland

Ce qui est bien avec ce film, c'est qu'il ne m'a jamais déçue. On nous le vend comme une des pires bouses cinématographiques qui soient, comme une honte à Batman, Clooney et O'Donnell l'ont renié...

le 16 août 2013

9 j'aime