Une belle claque et une grosse dose d'originalité

The Witcher, ou la preuve qu'on peut à tout moment être surpris par le monde du jeu vidéo. Un obscur studio polonais dont c'est le premier jeu, une obscure série de livres (célèbre en Pologne et dans les pays de l'Est, certes, mais jusque là inconnue au bataillon dans nos contrées), un obscur nom, un obscur héros.

Et puis voilà, ce jeu devient soudain la claque de l'année, sorti presque en même temps que le titanesque et réputé Oblivion, et ne rougissant pas de ce voisinage.

The Witcher, c'est d'abord et avant tout une ambiance. L'ambiance sombre et mélancolique de l'oeuvre d'Andrezj Sapkowski a parfaitement été saisie et retranscrite par les développeurs, et cela se ressent à tous les niveaux. Dans les graphismes, très beaux pour l'époque et encore tout à fait honorable aujourd'hui; dans la musique qui s'écoute avec un vrai plaisir; dans les dialogues, crus, parfois drôles, parfois très sombres, toujours justes; et dans les quêtes, qui parviennent même à vous intéresser aux traditionnelles quêtes Fedex en raison de la profession du héros.

Le héros, parlons-en, tiens. Geralt de Riv, sorceleur, c'est-à-dire chasseur de monstres, une profession nécessaire mais méprisée et crainte. Un héros solitaire, mais est-ce vraiment un héros? Bien plus que la plupart des jeux de rôle (à commencer par les jeux Bioware), CdProjeckt s'efforce toujours de nous livrer un monde qui soit le moins manichéen possible, des choix qui aient un réel impact sur l'histoire, et qui vous posent de réels problèmes de conscience. Aider des combattants de la liberté, et s'associer par là à leurs actions sauvages et terroristes? Aider les vertueux gardiens de l'ordre, quitte à s'associer à leurs actions racistes envers les non-humains? La tentative est honorable. Ce n'est pas parfaitement atteint, et on peut la plupart du temps remarquer que l'un des choix proposés aura toujours de meilleures conséquences; mais toujours, l'amibiguïté est là, cette certitude qu'on ne fera jamais un choix parfaitement "bon", et rien que pour cela, ce RPG est un grand RPG, et une très belle adaptation.

On sent cependant le manque d'expérience, et de moyens. Les cinématiques ne sont pas toujours bien amenées, l'histoire non plus, le système de combat peut tout autant être vu comme une excellente exigence d'originalité et de rigueur que comme un ennuyeux système qui s'apparente à des QTE. La variété des personnages laisse à désirer, et beaucoup de PNJ ont la même tête que leur voisin.

Mais à tout moment, on sent une vraie volonté de plaire au joueur, une vraie passion, un désir d'originalité : dans les combats donc, dans l'univers aussi, dans le style graphique, dans la progression du personnage bien loin des systèmes de points à la D&D ou même à la Dragon Age. The Witcher est un jeu ambitieux et passionné; on peut lui reprocher une certaine aridité, un manque de souplesse parfois, des imperfections certaines, mais il n'empêche que pour un premier jeu il est bien au-dessus du lot, et qu'il se classe sans rougir au côté des plus grandes licences de RPG. C'est un jeu qui vous marque et qui, si vous faites l'effort de lui pardonner ses biens compréhensibles défauts, se révèle passionnant.

Ajoutons enfin le comportement exemplaire du studio: déjà, il y a une fonctionnalité pour y jouer sans CD, ce qui, dans le cadre des restrictions toujours plus nombreuses dans le but officiel de lutter contre le piratage, reste très appréciable. Le suivi constant du jeu, ensuite: la sortie de cette Enhanced Edition, avec du contenu supplémentaire, des graphismes améliorés (dont les skins de PNJ), et autres réjouissances, en témoigne. Le nombre de patches, avec encore aujourd'hui, il y a quelques jours à peine, la sortie d'un nouveau patch pour Mac, 5 ans après la sortie du jeu et alors que les développeurs ont sorti un Witcher 2 et bossent sur au moins deux projets. Ajoutons à cela l'absence totale de DRM ou restrictions du genre "il faut être connecté à Internet pour jouer" (bien que, il est vrai, cela s'applique surtout à TW2, les DRM n'étant pas encore à la mode en 2007), et vous obtenez un studio qui se soucie réellement de son public et qui privilégie le plaisir du joueur au poids du porte-monnaie.

Si l'on ajoute le prix ridicule que TW1 atteint à présent, 5 ans après sa sortie, je ne vois guère de raisons pour ne pas y jouer.
Kabouka
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le 14 oct. 2012

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Kabouka

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