Dès son premier film, Walter Hill s’annonçait comme un habile faiseur dont le mantra premier est de divertir son public. S’armant pour l’occasion de deux acteurs au magnétisme incroyable, il signe avec Le bagarreur un divertissement en or massif propulsé par un script qui ne fait aucun détour et animé par deux des acteurs les plus charismatiques de leur génération.


Hill use pour l’occasion d’une recette célèbre : associer deux personnages aux tempéraments contraires. Charles Bronson, boxeur émérite au physique d’ascète Grec, dont on ne saura presque rien sinon qu’il aime distribuer des pralines pour un peu d’oseille, préfère l’efficacité d’un uppercut massif à la jactance généreuse. Son air énigmatique, la mélancolie qui le caractérise, fait émaner du personnage des valeurs similaire aux vieilles gachettes solitaires du far ouest. James Coburn quant à lui, beau parleur, manipulateur d’esprit, est un petit bookmaker un peu trop joueur qui aime s’acoquiner avec des truands peu recommandables pour tromper l’ennui. La rencontre des deux hommes est évidemment électrique, amusante et attachante. Pour l’anecdote, Hill envisageait des acteurs bien plus jeunes pour incarner ses deux personnages. Il est évident que c’eut été un choix discutable, car c’est cette carte de l’expérience qui donne à ces vieux loups de mer tout leur crédit.


Souvent peu considéré, Walter Hill a pourtant cette singularité qu'il puise dans sa recette personnelle et s’y tient sans jamais vaciller. Si l’on sent que l’homme se cherche un peu dans Le bagarreur, il y fait déjà preuve de la belle percussion qu’il trouve en s’affranchissant de toute fioriture lorsqu’il filme l’action. Comme ce sera également le cas dans son film suivant, l’excellent The Driver ou dans son cultissime The Warriors, il met en scène les actes de bravoure de ses personnages de façon assez brute, sans vraiment les glorifier. Quand Bronson casse des mâchoires dans Le bagarreur, c’est avec savoir-faire, sans esbroufe, son côté vieux briscard des rings rendant crédible sa supériorité face à chacun de ses adversaires. Et quand son dernier combat se profile enfin, qu’il se lance dans l’échange de coups sans avoir pu observer son adversaire, ses pommettes jusqu’alors inviolées se teintent gentiment d’une petite nuance bleutée qui ramène le réel sur l’échiquier. De quoi éviter au Bagarreur de flirter avec le film de baston surréaliste en l’ancrant définitivement dans une nécessité générée par un quotidien incertain.


C’est en cela que le contexte de la grande dépression dans lequel est ancré le film est un choix très réfléchi. Il donne au personnage joué par Charles Bronson, uniquement motivé par une vision de son futur à court terme, craintif à l’idée de s’attacher émotionnellement à quiconque, une légitimité immédiate. Avec Le bagarreur, Walter Hill réalisait non seulement la première marche d’une filmographie faite de divertissements assumés en tant que tels, mais il offrait également à son public une rencontre d’acteurs croustillante qui enthousiasmera tout bon fan des films ricains à la sauce 70's. Tout cela au moyen d’une série B efficace, dépourvue de tout artifice et emballée en 90 minutes. What else ?




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oso
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le 7 sept. 2014

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