Énième film bouleversant dans la carrière du maître suédois, La Source est un film qui plonge cette fois-ci le spectateur dans la vie de différents personnages au cours du XIVe siècle.


Il y a bien la présence d'une confrontation d'existences différentes dans ce film, à la fois une famille propriétaire de nombreuses terres avec de bons moyens financiers qui se montre très pieuse, et de l'autre, des bandits, malfrats, moins que rien, qui semblent être restés dans la bestialité la plus crasseuse, des êtres dépourvus du moindre sens moral. C'est bien une différence importante de classe sociale qu'il nous est permis de constater tout au long de ce film.


Appuyée par une esthétique merveilleuse et une mise en scène générale particulièrement impressionnante, Bergman nous dépeint la cruauté générale de l'être humain, qui de l'homme le plus vil à l'homme pieux, se retrouvent sur leurs capacités à détruire l'autre. L'utilisation des gros plans et des plans poitrine viennent renforcer la force émotionnelle qui se dégage des visages des différents personnages, ainsi que leurs intentions les plus enfouies.


Cependant, si le personnage du père "Tore" est bien comparable aux bandits qui ont sauvagement assassinés sa fille, nous voyons que celui-ci a une conscience morale que les autres n'ont pas. On peut donc imaginer que Tore a cette conscience morale qui lui vient de la religion, ce qui est une autre manière de comprendre que Tore est tout simplement un être bien mieux éduqué que certains autres. Il a donc eu l'opportunité de devenir celui qu'il est actuellement.


La jeune fille de cette bonne famille chrétienne est bien éduquée, mais elle est profondément naïve sur la réalité du monde dans lequel elle vit, elle s'imagine se marier à un homme qui l'aimera, et aura un magnifique enfant avec lui. Seule sa sœur adoptive sait de quoi elle parle, car elle vient de ce milieu dégradant pour l'être humain. Une sœur adoptive enceinte qui a une forme de revanche à prendre sur la vie qu'elle mène, elle est jalouse car elle est méprisée, elle sait qu'elle n'est et ne sera jamais considérée comme l'égale de la fille de sang de la famille. Celle-ci devrait subir ce que l'autre ne subit jamais ? Où peut donc bien se situer la justice pour elle ? C'est une fille perdue qu'on ne peut que comprendre, sans toutefois approuver sa manière de mettre en oeuvre sa vengeance.


De même pour le jeune garçon de la bande des malfrats, il représente bien l'innocence juvénile qui se laisse influencer par les discours des uns et des autres. C'est aussi l'humanité complètement perdue qui est symbolisée à travers le regard de cet enfant, car on a d'un côté un monde où l'on passe du pillage au meurtre et de l'autre un monde où l'on offre l'hospitalité à des arrivants sans le sou. Bergman nous dépeint tout cela avec une profonde justesse, il nous montre qu'il existe bien des mondes différents au sein d'une même humanité, et quand ces derniers s'entrechoquent (cela finit toujours par arriver un jour ou l'autre), c'est le sang et les larmes qui coulent.


La Source est un film qui marque au fer la cruauté et la vilenie de l'être humain. L'homme a toujours un bas instinct en lui qui le pousse à commettre des folies meurtrières, mais cela s'accentue dès lors que les conditions sociales ne sont pas propices à faire émerger des individus cultivés et raisonnés.
Un film que je ne peux que recommander tant il se montre extrêmement intéressant dans ce qu'il nous propose comme contenu, c'est un film dur, mais profondément réaliste dans les thématiques sociales et biologiques qu'il aborde. Un grand Bergman.

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le 5 juil. 2020

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Tystnaden

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