Film phénomène en Allemagne, La Salle des Profs est un thriller social construit comme un polar à suspense, imposant à son spectateur une tension constante et étouffante.

Le scénario prend comme point de départ un fait assez mineur (des vols dans un lycée) qui va prendre une ampleur démesurée et entrainer une professeure dans un engrenage délirant.

L’efficacité de la mise en scène est la principale qualité du long métrage. La musique, la caméra qui suit Carla de près, le format 4/3 qui ressert l’image, tout est fait pour ressentir la frustration et la colère de l’enseignante. L’interprétation habitée de Leonie Bech est l’autre atout du film, une performance majuscule qui traduit parfaitement le désarroi de son personnage quand elle passe du statut de victime à celui de coupable sans vraiment comprendre pourquoi.

Tout est orchestré pour que le spectateur entre en empathie avec cette professeure sur qui le sort s’acharne. Tellement tout, que c’en est trop. La suite d’événements contraires à la jeune femme est proche de l’invraisemblable et c’est une grosse limite du film. Le script use de bien trop de facilités pour faire progresser l’histoire et intensifier le suspense. Les moments clés du film sont d’ailleurs appuyés avec la finesse d’un éléphant. Sans trop dévoiler l’intrique, l’élément déclencheur qui va entrainer l’ostracisation de Clara est déjà peu crédible, mais à celui-ci s’ajoutent d’autres évènements qui vont engendrer des réactions bien trop simplistes. Car hormis Clara, les personnages sont très caricaturaux.

Cette vision binaire dessert le film. Ce qui est vraiment dommage parce que les sujets traités sont passionnants. En faisant de l’école le miroir de la société allemande, İlker Çatak a l’ambition de montrer comment l’opinion publique fluctue au grès de bruits de couloir et de rumeurs qui alimentent un tribunal populaire par essence subjectif.

Mais la manière dont La Salle des Profs est construit interdit les nuances. Il donne l’impression de manipuler son spectateur, de lui dicter quoi penser. Il se retrouve un peu pris en otage de ce qui est imposé à Clara, qui se retrouve seule contre tous, sans qu’on sache si elle a du soutien par ailleurs puisque le réalisateur choisit de ne montrer que ce qui se passe dans l’école. Il n’offre ainsi qu’une vision partielle, en plus de partiale, de son sujet.

Un film au sujet fort mais trop forceur pour être tout à fait convainquant.

Créée

le 11 mars 2024

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