C'est dans l'Inde coloniale des années 1920 qu'une jeune femme anglaise, accompagnée de sa belle-mère, entreprend de rejoindre son mari magistrat. Au fil des rencontres, elles découvriront un pays divisé où les inégalités sont fortement présentes.


David Lean accepta mal l'échec du pourtant somptueux La fille de Ryan, il prit une retraite anticipée et, quatorze ans plus tard, sorti une dernière oeuvre, La route des Indes. Si les temps changent, surtout dans le cinéma, Lean reste fidèle à lui-même, et est loin des modes et styles des années 1980, mais livre une fresque d'une grande ampleur. Pourtant, on ne retrouve pas le lyrisme de ses années Hollywoodiennes, ni le côté intime de ses premières œuvres anglaises, ici il s'intéresse à l'angoisse et la frustration, notamment sexuelle, de ses personnages, mais aussi à la situation sociale de l'Inde, l'exploitation britannique et le sentiment d'un vent de liberté et de révolte.


Comme toujours chez Lean on retrouve toute sa justesse, intelligence et sobriété dans le traitement des personnages et de leurs relations. En adaptant le roman de Forster, il s'intéresse à une affaire d'abord sans grand bruit entre un médecin indien et une anglaise, qui va vite devenir une affaire d'état. Il retranscrit toute la tension qui découle du récit, que ce soit au niveau intimiste entre les personnages, ou celui d'un peuple qui supporte de moins en moins l'occupation et les privilèges des anglais. Le cadre de l'histoire est très passionnant et cela, Lean le retranscrit très bien, il nous immerge au cœur d'une magnifique et grandiose reconstitution pour mieux nous faire sentir aux côtés des personnages et proche des enjeux qui vont se dérouler. On a véritablement l'impression de découvrir l'Inde avec eux, d'abord dans les riches et luxueuses demeures anglaises, puis dans la rue et enfin dans la nature. Un véritable charme se dégage de cette oeuvre, dont la beauté formelle ne vient jamais éclipser le cœur de l'action et les véritables péripéties et enjeux.


Malgré quelques légères et non préjudiciables baisses de rythmes en milieu de récit, Lean démontre à nouveau tout son savoir-faire. Bien qu'on ne retrouve pas l'émotion de quelques-unes de ses autres œuvres, il orchestre son récit avec brio, sachant bien prendre son temps lorsqu'il le faut, notamment pour présenter le contexte ou pour accentuer certains rapports, sans ennuyer, loin de là. Il joue aussi des ellipses pour maintenir une certaine tension et suspense lors de la dernière partie. Tout est parfaitement maîtrisé et plusieurs scènes en deviennent mémorables. Lean retrouve Maurice Jarre (qui recevra à nouveau l'oscar de la meilleure musique après Lawrence d'Arabie et Le Docteur Jivago) qui livre une belle partition ainsi que, pour la sixième fois, Alec Guinness qui, à l'image de l'ensemble des interprétations, est parfait.


C'est donc avec autant de génie que de passion que David Lean quitte le 7ème art, un testament intemporel où il nous immerge au cœur d'une Inde encore sous le joug de l'Empire Britannique pour y mêler découverte, fascination, tension et liberté.

Créée

le 14 mai 2015

Critique lue 2.5K fois

30 j'aime

4 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

30
4

D'autres avis sur La Route des Indes

La Route des Indes
Olivier_Paturau
9

Critique de La Route des Indes par Olivier Paturaud

Le dernier film de David Lean est un joyau assez méconnu dans sa carrière éblouissante. Adapté (librement) du roman de E.M. Forster (il suffit de comparer avec les productions Merchant-Ivory qui...

le 18 août 2013

15 j'aime

3

La Route des Indes
Libellool
8

Le choc des cultures

Pour son ultime film, David Lean signe une fresque grandiose et colorée de l'Inde, à travers la visite d'une héroïne anglaise tiraillée entre deux cultures. La critique du réalisateur est subtile et...

le 6 déc. 2013

13 j'aime

11

La Route des Indes
Ticket_007
8

"Le moment de vérité" ne s'évite pas !

"Le pont de la rivière Kwaï", "Docteur Jivago", "Lawrence d'Arabie"... Le haut d'affiche de "La route des Indes", film-fresque après un long silence, rappelle avec à-propos que la filmographie de...

le 16 mars 2016

7 j'aime

5

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

156 j'aime

43

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

151 j'aime

34