Déprisée par la critique, et peut-être à juste titre, la filmographie de Rollin est particulièrement saugrenue, vacillant du rire moqueur à l’assentiment d’un haut potentiel esthétique. Cette obstination à mettre en scène ces fantastiques histoires durant une trentaine d’année, qu’importe la période dans laquelle elles s’inscrivent, procure à ce drôle de personnage un fort capital sympathie.
Je l’aime bien Rollin même si je n’ai pas été séduit par toutes ses œuvres. On sent cette volonté de faire quelque chose qui le singularise alors qu’il s’exalte pourtant dans un genre déjà bien exploité. Ses films sont reconnaissables assez rapidement par ses lenteurs, ses décors gothiques, ses corps dénudés, ses créatures et ses récits abracadabrantesques. Et pourtant, c’est par une simplicité épurée que Rollin a conçu sa plus belle des histoires.
La rose de fer : un titre déjà bien curieux, empreint d’une interrogante poésie et orné par une somptueuse affiche. L’histoire expose les mésaventures d’un couple égaré dans un cimetière peinant à retrouver la sortie… C’est tout. Rien de plus. Durant plus d’une heure, le spectateur assiste à leurs amours, leurs doutes, leurs folies, leurs espoirs. Nulle vivacité, l'action est supplantée par une mélancolie prononcée.
C’est lorsque les personnages ne parlent pas ou peu, qu’ils ne se perdent pas dans des explications inutilement compliquées que Rollin excelle le mieux. Je l’avais déjà remarqué dans une longue séquence dans « Lèvres de sang ». La rose de fer en est un probant exemple, sans doute le plus abouti. Ici, le dialogue est tantôt évasif, tantôt passionnel puis se noie dans de sourdes tribulations où la poétique se révèle par un rythme languissant. Les personnages déambulent à travers le cimetière, s’imprègnent des tombes et des cadavres au point de s’en satisfaire, d’unifier l’amour à la mort. Le lieu devient une entité qui, pour sceller cette relation fataliste tel un archerot, occulte les issues et condamne à un amour éternel. Ce sens du cadrage précis où les protagonistes composent avec les tombeaux – voire le train au début – renforce d’autant plus ce lien ineffable.
Cette mélancolie trainante pouvant en dérouter certains est pourtant indispensable pour s’imprégner de cette atmosphère hypnotique. Le temps n’a plus d’importance car tout est désormais éternel, et c’est pour cela que la recherche de la montre par le garçon est portée par de vaines espérances. La folie s’ensuit mais est pourtant le seuil de vérité, celui qui inculque à la fille la véritable raison de l’existence : mourir par amour et vivre éternellement de celui-là.
La rose de cristal, motif indissociable de Cupidon, viendra celer la relation en enfermant le couple ensemble dans l’infini.
Alors oui, Rollin. Je t’accorde volontiers ce titre vénérable pour La rose de fer.
Auguste pour sa composition du cadre parfois très expressive dans sa magnificence, attestant d’une réelle volonté poétique ; où le rythme s’accorde avec ce ton onirique qui transporte sans réellement s'expliciter ; où l’interprétation laisse place à d’obscures interrogations pour ensuite égarer le spectateur dans ce fascinant univers.
Auguste parce qu’il peut aussi s’en apparenter : à un clown, desservi par sa réputation de films nanardesques, ayant cette volonté inébranlable à exprimer ses fantaisies, faisant parfois plus rire que charmer, au point d’obscurcir ses quelques qualités.
C’est ça Rollin. Quelqu’un avec des idées farfelues, mais qui a du mal à les mettre en scène. En l’occurrence pour La rose de fer, c’est un pari réussi.